Volero Publilius

RE, XXIII 2, 1911-1912, n° 10 (auteur : W. Hoffmann), BNP, 12, 188, n° I 2 (auteur : Chr. Müller) et G. Niccolini, FTP, p. 14-16.

Sources

D.S., 11, 68, 8 (qui ne parle pas de Volero Publilius mais de l’élection faisant suite à sa loi) ; D.H., 9, 39, 1-4 ; 9, 41 ; 9, 42 ; 9, 43 et 9, 46 à 49 ; Liv., 2, 55, 4-11 ; 2, 56 ; 2, 57 à 2, 58, 2 ; 2, 58, 9 et Zonar., 7, 17.

Notice

Volero Publilius aurait été tribun de la plèbe deux années d’affilée : d’abord en 472 — il est alors le seul tribun connu pour cette année — puis en 471 avec C. Laetorius. Il nous est connu essentiellement par Tite-Live et Denys d’Halicarnasse, le premier l’appelant bien Volero Publilius, le second lui donnant le nom de Βολέρων Πόπλιος, Πόπλιος Βολέρων ou Πόπλιος. Les manuscrits ne posent pas de problème et il y a donc une légère variante avec Tite-Live. Les manuscrits liviens sont également sans difficultés et il vaut mieux suivre l’historien latin car Publilius est mieux attesté comme gentilice que Publius.

Les conditions de son accession au tribunat sont des plus significatives. En effet, Volero Publilius se manifesta dès 473, année de l’assassinat du tribun Cn. Genucius. Suite à cet assassinat, les consuls profitèrent de la stupeur de la plèbe pour décréter une levée de troupes. Alors que les tribuns n’osaient agir, Publilius refusa de se laisser incorporer comme simple soldat au motif qu’il avait commandé une centurie par le passé. Cette simple mention est par ailleurs révélatrice de ce que l’on a affaire à quelqu’un qui, pour être plébéien, n’en appartient sans doute pas moins à une fraction déjà relativement supérieure de la plèbe. Cette hypothèse reste cependant à manier avec précaution car Denys d’Halicarnasse insiste, lui, sur les origines obscures du personnage. Ce n’est pourtant pas forcément contradictoire et l’on pourrait imaginer que sa carrière militaire lui ait permis de s’élever dans la société romaine alto-républicaine. Alors qu’on le menaçait des verges, il essaya de faire appel aux tribuns qui n’osèrent bouger de peur de subir le même sort que Cn. Genucius. Volero Publilius poussa donc la foule à intervenir en sa faveur et son appel à la révolte déboucha sur une échauffourée. Ce faisant, il s’acquit un fort capital de sympathie dans la population ce qui lui permit d’être élu tribun l’année suivante. La plèbe choisit donc une figure correspondant le plus à ses attentes et qui, pour nous, correspond à l’image archétypale du tribun de la plèbe pour cette époque.

Durant son tribunat, il fut le rapporteur d’un projet de plébiscite qui visait à modifier le mode d’élection des tribuns de la plèbe. Il entendait ainsi — Tite-Live et Zonaras le notent de façon explicite — soustraire cette élection à une trop forte influence patricienne et, en particulier, empêcher les patriciens de faire élire les tribuns de leur choix par l’entremise des voix de leurs clients. Denys d’Halicarnasse présente cependant une interprétation légèrement différente de l’objectif de cette loi. Il s’agissait plus, selon lui, de s’affranchir de la double contrainte du décret préliminaire du Sénat et de la sanction des augures après le vote. Ces deux interprétations ne sont pas exclusives l’une de l’autre et, au contraire, témoignent d’une forte volonté de réduire drastiquement l’influence des patriciens au moment de l’élection des tribuns de la plèbe. Les patriciens ne s’y trompèrent d’ailleurs pas et ils s’opposèrent farouchement à ce plébiscite qui ne put passer. L’année suivante, Volero Publilius fut réélu avec comme collègue C. Laetorius[1]. Il reprit son projet de plébiscite avorté mais, dans toutes nos sources, c’est Laetorius qui apparaît à présent comme le défenseur le plus acharné de cette mesure. Il entra en conflit avec Ap. Claudius mais, au moment où la tension atteignait son comble, le plébiscite passa, et est souvent mentionné sous le nom de lex Publilia[2].

L’existence de ce plébiscite, à une date aussi haute et son interprétation ont fait l’objet de multiples discussions. Il est cependant incontestable qu’il modifia le mode d’élection des tribuns, toute la difficulté étant de préciser la nature de cette modification. L’idée que les tribuns aient été auparavant élus dans une assemblée curiate étant impossible, il ne reste que la solution d’une élection dans les comices centuriates ou d’une absence d’élection antérieure. D’après une hypothèse avancée par Ogilvie, les tribuns étaient auparavant choisis dans des assemblées plébéiennes informelles, sans doute fondées sur une organisation par tribus, et la loi de Publilius traduirait une première volonté de légitimation de ces assemblées pour en faire des comices officielles[3]. Il nous semble possible d’aller plus loin encore et d’estimer que le mode d’élection des tribuns n’était pas fixé auparavant : la mesure de Publilius chercha à l’établir sur des bases solides et éloignées de l’influence patricienne. De la sorte, ce serait la plèbe qui, la première aurait utilisé le mode de répartition par tribu pour s’assembler[4].

En outre, la datation même de ce plébiscite a parfois été mise en doute, notamment par E. Pais qui pensait que la date devait en être abaissée jusqu’à la seconde moitié du IVe siècle et qui l’attribuait à Q. Publilius Philo. G. De Sanctis y voit, lui, un doublet du dictateur de 339 Publilius Philon[5]. Ces avis ne nous semblent pas devoir être suivis. D’abord parce que l’élection des magistrats plébéiens par les comices tributes est une réalité des temps historiques et ensuite en raison du caractère très particulier de cette année 471 et de son importance dans l’histoire du tribunat de la plèbe[6]. Cette loi fut bien réelle et elle était restée associée à la personne de Volero Publilius. Pour autant, il est évident que la figure de ce Q. Publilius Philo et son action jouèrent sur le récit donné par l’annalistique des actions de son ancêtre tribun. Ce récit a donc été retravaillé de façon à faire de Volero Publilius une figure exemplaire de la plèbe, ce dont témoigne le fait qu’Ap. Claudius, voulant railler l’indiscipline de ses soldats, les appelle des tribuns de la plèbe ou des Volero, comme s’il s’agissait là d’une insulte. Dans le même temps, le plébiscite, dont le libellé exact s’était perdu, fut repensé à la lumière des connaissances constitutionnelles de la fin de la République.

Notes

[1] Voir sa notice.

[2] Sur ce plébiscite, voir nos analyses dans le volume publié, p. 281-308 où nous reprenons en détail le débat historiographique.

[3] Voir R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 381.

[4] Cf. notre analyse dans le volume publié, p. 281-308.

[5] Voir E. Pais, Ricerche sulla storia e sul diritto pubblico di Roma, Rome : P. Maglione & C. Strini, 3, 1918, p. 171-172. Il ne remet cependant pas en cause l’historicité de ce tribun. En revanche, G. De Sanctis, Storia dei Romani, 2, La Conquista del primato in Italia, Milan, Turin, Rome : Fratelli Bocca Editori, 1907, p. 20-21 si.

[6] C’est notamment l’avis de R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 373-374.