Sp. Licinius

RE, XIII 1, 221, n° 31 (auteur : Fr. Münzer) ; BNP, 7, 520, n° I 5 (auteur : Chr. Müller) et G. Niccolini, FTP, p. 11.

Sources

D.H., 9, 1, 2 à 9, 2, 5 ; Liv., 2, 43, 2-4 et 2, 44, 1.

Notice

Sp. Licinius aurait été tribun en 481. Il est ainsi nommé par Tite-Live mais Denys d’Halicarnasse ne connaît aucun Sp. Licinius. À la même date, en revanche, il mentionne un Sp. Sicilius (Σπόριος Σικίλιος), nom que Sylburg proposait de corriger en Σπόριος Ἰκίλιος. Cette correction a été suivie par la plupart des éditeurs (en particulier par Jacoby et par Cary) même si Pais proposa en son temps une correction en Σπόριος Σικίνιος[1] et si Niccolini ne tranche pas. Il est évident que, quel que soit le nom choisi, il ne s’accorde pas au texte de Tite-Live alors que, si l’on se reporte aux actions prêtées à chacun, il s’agit à l’évidence du même personnage. En effet, comme C. Maenius — mais visiblement de façon plus systématique — ce tribun chercha à s’opposer au dilectus souhaité par les consuls afin d’obtenir la loi agraire sans cesse repoussée[2]. Face à cette obstruction, les consuls et les patriciens, peut-être à l’instigation d’Ap. Claudius, retournèrent contre le tribun récalcitrant ses collègues qui, grâce à leur pouvoir, purent l’empêcher d’avoir recours à ces manœuvres dilatoires. La levée put ainsi avoir lieu.

Il est clair que Sylburg fit cette correction onomastique pour les mêmes raisons que ses autres propositions concernant les tribuns du premier collège. Et, là encore, elle ne nous paraît pas s’imposer. La proposition de Pais offre, elle, l’avantage de retoucher le moins possible le texte des manuscrits mais ne permet guère de comprendre la leçon que l’on trouve chez Tite-Live. Faut-il pour autant suivre Tite-Live et opter pour le nom Sp. Licinius ? Ce n’est pas certain et ce pour au moins deux raisons. D’abord parce qu’il faut rappeler que la famille des Licinii, si elle bien attestée historiquement à Rome, est une famille originaire de Caere qui ne prit véritablement son essor en politique qu’à partir de la période 400/367. Il n’est donc pas sûr qu’elle fût, en 481, déjà suffisamment implantée à Rome pour prétendre à un rôle important[3]. Ensuite, et comme Münzer l’avait déjà remarqué, en 138, un tribun du nom de S. Licinius fit emprisonner les consuls parce que ceux-ci refusaient que les tribuns puissent exempter certains soldats de la conscription. Si l’on ajoute à cela le rôle joué par C. Licinius Macer à la fois comme source pour Tite-Live et dans la glorification de sa propre famille, le nom de ce tribun ne peut alors paraître que douteux.

En résumé, il semble que la tradition avait gardé le souvenir assez vif d’opposition entre les tribuns et les consuls autour des années 482 et 481. Il semble aussi évident que, dans l’esprit de nos sources, il s’agissait là de tribuns de la plèbe importants mais dont le nom s’était perdu, d’où les propositions autour de Sicinius et d’Icilius. Vers la fin de la République, la gens Licinia, qui connut alors une histoire similaire, récupéra sans doute cette tradition pour se l’approprier mais aucun élément décisif ne permet d’affirmer que ce tribun fut bien un Licinius.

Notes

[1] E. Pais, Ricerche sulla storia e sul diritto pubblico di Roma, Rome : P. Maglione & C. Strini, 3, 1918, p. 109. Sur les problèmes plus généraux de manuscrits posés par le premier collège tribunicien, voir Th. Lanfranchi, « Le premier collège tribunicien dans les manuscrits de Denys d’Halicarnasse », RPh, 87/2, 2013, p. 99-120.

[2] G. Rotondi, LPPR, p. 195.

[3] Voir notre présentation des Licinii.