M. Decius

RE, IV 2, 2277, n° 7 (auteur : Fr. Münzer) ; pas d’article dans la BNP et G. Niccolini, FTP, p. 7-8.

Sources

D.H., 6, 88, 4 ; 7, 39, 1 ; 7, 39, 3 à 40 ; 7, 41 à 7, 47, 1 ; 7, 52-53 ; 7, 63, 1 ; 7, 64, 2 ; 8, 31, 4 et Vir. ill., 19, 3.

Notice

M. Decius aurait été tribun de la plèbe en 491. Ce tribun nous est essentiellement connu par le biais de Denys d’Halicarnasse. Ce nom est bien assuré chez Denys même si, à deux reprises, tous les manuscrits donnent Λευκίου, corrigé en Δεκίου depuis Sigismond de Gehlen[1]. Dans les Antiquités romaines, un personnage du même nom apparaît un peu plus tôt, au moment de la sécession de la plèbe. En effet, alors que les plébéiens, retirés sur le Mont Sacré envoyaient au Sénat une ambassade dirigée par L. Iunius Brutus, Denys d’Halicarnasse mentionne quelques-uns des membres de cette délégation et un Marcus Decius en fit partie. Il réapparaît ensuite dans le récit dionysien en 491 et il semble à peu près évident qu’il se soit agi ici du même personnage. En tant que tribun, il joua selon Denys, un rôle important dans le procès de Coriolan aux côtés de L. Sicinius Vellutus.

Le récit du procès de Cn. Marcius Coriolan est beaucoup plus développé chez Denys que dans les autres sources (en particulier Tite-Live ou encore Plutarque)[2]. Dans le récit de Denys, après que Sicinius eut lancé la procédure d’accusation, les patriciens, cherchant à protéger Coriolan, demandèrent qu’un décret préliminaire du Sénat soit pris pour autoriser la procédure au motif que le peuple n’aurait pas un tel pouvoir. Sicinius refusa au départ d’accéder à cette requête mais Decius, au contraire, l’accepta. Il s’adressa alors au Sénat dans un long discours rapporté afin de le convaincre de ne pas voter un décret négatif en démontrant la culpabilité de Coriolan. Pour cela, il mit plusieurs arguments en avant : d’abord le fait que l’absence de procès contreviendrait à la loi Valeria sur la prouocatio ; puis, il insista fortement sur le comportement inacceptable de Coriolan qui risquait de rallumer à tout moment les feux de la discorde dans Rome ; enfin, il acheva par une accusation à peine voilée d’adfectatio regni à l’encontre de Coriolan.

L’historicité de ce tribun paraît donc peu défendable. D’une part en effet, le témoignage de Denys d’Halicarnasse est assez esseulé puisque ni Tite-Live ni Plutarque (qui pourtant utilisa Denys comme source) ne le mentionnent. D’autre part le contexte même de son apparition (l’affaire Coriolan) et ce long discours imaginaire — dont l’argumentaire reste, lui, particulièrement intéressant — plaident  contre l’authenticité du personnage. Enfin, son action contre Coriolan rappelle de façon surprenante la mise en accusation de l’ancien consul L. Opimius par le tribun de la plèbe P. Decius en 120. Il y a très certainement là une réécriture de l’annalistique récente à partir de ce cas avéré[3].

Notes

[1] D.H., 7, 39, 1 et 7, 39, 3.

[2] Sur ce procès, cf. le volume publié.

[3] Voir sur M. Decius les analyses de J. Heurgon, Recherches sur l’histoire, la religion et la civilisation de Capoue préromaine des origines à la deuxième guerre punique, Rome : EFR, 1942, p. 262-264, avec la bibliographie.