L. Trebonius Asper

RE, VI A 2, 2282, n° 9 (auteur : Fr. Münzer) et G. Niccolini, FTP, p. 32.

Sources 

App., BC, 1, 21 ; D.S., 12, 25, 3 et Liv., 3, 65, 1-4.

Notice

L. Trebonius Asper fut tribun de la plèbe en 448, dans un collège où il fait figure de personnage original. En effet, les élections au tribunat furent marquées cette année-là par un nombre insuffisant de tribuns élus. Il fut donc décidé d’avoir recours à la cooptation pour compléter le collège et des patriciens auraient été élus tribuns, à savoir A. Aternius et Sp. Tarpeius[1]. C’est à ce moment que Trebonius intervint pour se plaindre de ce que la cooptation avait permis l’élection de deux patriciens. Il estimait qu’il y avait là une trahison. Pour que cela ne se reproduise plus, il proposa un plébiscite qui indiquait que si le nombre de dix tribuns n’était pas atteint à l’issue de l’élection, celle-ci devait recommencer jusqu’à ce que ce nombre soit atteint, le plébiscite interdisant par ailleurs explicitement le recours à la cooptation (55). Ce plébiscite ainsi que « ses attaques contre les patriciens »[2] — attaques dont la nature n’est malheureusement jamais précisée — valurent à ce tribun son surnom d’Asper, qui signifie rude, âpre, sévère, farouche. Ce plébiscite est tout à fait significatif en ce qu’il confirme d’abord l’historicité d’une pratique dont nos sources rendent assez bien compte : la cooptation. Ainsi, la possibilité d’une telle réglementation, à cette époque est tout à fait valable et on peut noter, avec Ogilvie, qu’on trouve des références indirectes au plebiscitum Trebonium au moment de la réélection de C. Gracchus au tribunat de la plèbe[3]. On peut lire en effet chez Appien l’indication qu’il « fut rapidement élu tribun une seconde fois ; car on avait déjà fait une loi portant que si le nombre des candidats n’était pas suffisant, le peuple pouvait choisir un tribun dans l’ensemble du corps des citoyens »[4]. Ici, Appien fait sans doute référence à une loi de C. Papirius Carbo datant de 124-123. Or, vu ce que l’on sait de la pratique de la cooptation au tout début de la République, il est tout à fait clair que le recours à une telle loi ne se justifiait que parce qu’elle allait à l’encontre de dispositions antérieures, en l’occurrence à l’encontre du plébiscite de Trebonius. Il nous semble qu’une telle mention va plutôt dans le sens de l’historicité des dispositions législatives prises par ce tribun.

On retrouve par ailleurs la mention de ce plébiscite dans un texte de Diodore de Sicile qui précise la peine encourue en cas de non respect de cette règle, à savoir la crémation à vif. Cette mention très intéressante doit être rapprochée de celle des neufs tribuns brûlés vifs par P. Mucius Scaevola[5]. Ces deux textes entrent en résonance car le texte de Diodore est le seul à mentionner la peine que l’on retrouve appliquée dans l’histoire de P. Mucius Scaevola et cette indication fut donc utilisée pour présenter ces personnages comme des tribuns de la plèbe. Il subsiste cependant un problème majeur car P. Mucius Scaevola est censé avoir été tribun en 486, soit trente-huit ans avant l’adoption du plebiscitum Trebonium. Une solution pourrait alors être que cette loi n’aurait fait que reprendre une sanction existante pour en étendre l’application à ce cas précis. Si cette hypothèse ne peut être rejetée, aucun indice concret ne permet pour autant de l’étayer et elle n’éclaire de toutes les façons guère plus la figure d’Asper. En tout état de cause, et à la lumière de ces analyses, l’authenticité de ce personnage et de sa loi ne nous paraissent guère contestables[6].

Notes

[1] Voir les notices d’A. Aternius et de Sp. Tarpeius.

[2] Liv., 3, 65, 4.

[3] R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 514.

[4] App., BC, 1, 21.

[5] Voir la notice de ce dernier.

[6] P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 197 se prononce également pour l’authenticité de ce tribun.