L. Minucius Esquilinus Augurinus

RE, XV 2, 1950-1955, n° 40 (auteur : Fr. Münzer), BNP, 9, 37, n° I 5 (auteur : Chr. Müller) et G. Niccolini, FTP, p. 36-37.

Sources

Cassiod., Chron., (AUC 296) ; D.S., 11, 88, 1 ; D.C., 5, frgt 23, 1-2 Boissevain ; D.H., 10, 22, 1-2 ; 10, 23, 5 ; 10, 25, 1-2 ; 10, 58, 4 ; 11, 20, 1-4 ; 11, 23, 1-2 ; 12, 1, 5-6 ; 12, 1, 11-15 ; 12, 4, 2-3 et 12, 4, 6 ; Flor., epit., 1, 5, 12 (= 1, 11) ; Liv., 3, 25, 1 ; 3, 25, 9 ; 3, 26, 3-6 ; 3, 29, 1-3 ; 3, 35, 11 ; 4, 12, 8 ; 4, 13, 6-9 ; 4, 16, 2-5 et 4, 21, 3-5 ; Oros., hist., 2, 12, 7-8 ; Paris, 2, 7, 7 et 5, 2, 2 ; Plin., nat., 18, 15 et 34, 20-21 ; Nepotian, 2, 7, 7 ; Val. Max., 2, 7, 7 et 5, 2, 2 ; Vir. ill., 17, 1 ; Zonar., 7, 17 et 7, 20.

Notice

L. Minucius Esquilinus Augurinus est un patricien, fils du consul de 492, d’abord mentionné pour son consulat (ou consulat suffect) en 458. Il apparaît dans les fastes capitolins, comme consul suffect, sous le nom L. Minucius P. f. M. n. Esquilinus Augurinus. Le chronographe de 354 ; la chronique pascale et les fastes d’Hydatius ne le mentionnent pas comme consul ordinaire à cette date[1]. En revanche, Denys d’Halicarnasse, Diodore de Sicile, Tite-Live et Cassiodore dans son Chronicon en font pour la même année un consul ordinaire. Durant ce consulat, il se fit remarquer en se laissant piéger par les èques sur le mont Algide. Ce fut le dictateur L. Quinctius Cincinnatus qui le délivra, lui et son armée, et il le démit immédiatement de ses fonctions en punition : il en fit son légat pour le reste de la campagne[2]. Par la suite, il aurait fait partie du second collège des décemvirs et son nom est, en effet, en partie préservé dans les fastes[3]. À ce titre, il eut d’ailleurs une nouvelle fois à combattre les èques et fut encore battu.

L. Minucius occupa à nouveau le devant de la scène en 439 en tant que responsable du ravitaillement (charge traduite comme celle de préfet de l’anone par certains auteurs mais le terme est anachronique). Son action se situe dans le contexte de l’affaire Sp. Maelius[4]. C’est Minucius qui, face aux agissements de ce personnage, aurait dénoncé ses objectifs monarchiques au Sénat, ce qui conduisit à l’arrestation et à la mise à mort de Maelius. Selon la tradition, cet acte civique lors d’une telle crise lui aurait valu l’érection d’une colonne honorifique. Seul Tite-Live diffère sur ce point puisqu’il parle d’un bœuf doré. L’existence, l’emplacement et la datation de cette colonne sont des éléments fortement disputés. Les seules représentations que nous en ayons conservé se trouvent sur deux monnaies plus tardives, deux deniers républicains datant de 135 et 134 et attribués aux monétaires C. Minucius Augurinus et Ti. Minucius Augurinus[5]. Enfin, L. Minucius aurait connu une transitio ad plebem et, en récompense de son action contre Maelius, il serait devenu onzième tribun de la plèbe pour l’année 439.

L’ensemble de la tradition concernant L. Minucius Esquilinus Augurinus est sujette à caution mais c’est sans doute encore plus le cas pour ce qui concerne sa transition à la plèbe et son tribunat. Il est hautement improbable qu’une telle nomination ait pu se faire à cette date. Par ailleurs, au vu du rôle attribué à Sp. Maelius par la tradition, on comprendrait mal comment la plèbe pût accepter d’avoir pour tribun une personne ayant directement contribué à l’exécution de Maelius. Il y a là sans aucun doute un ajout de la tradition et ce tribunat est fictif. Il pourrait s’expliquer par le fait que les Minucii du début de la République étaient patriciens alors que ceux de la fin de la République étaient plébéiens. Cette branche plébéienne de la famille aurait ainsi souhaité expliquer ses origines et se rattacher fictivement à une branche plus prestigieuse. Les monnaies déjà évoquées sont de ce point de vue explicites puisqu’on y trouve trois personnages. La figure au sommet de la colonne pourrait évoquer L. Minucius lui-même. Celle située à gauche de la colonne évoque sans doute P. Minucius ou M. Minucius, consuls en 492 et 491 et liés à des distributions de blé. La figure de droite, enfin, évoque sans doute M. Minucius Faesus, le premier augure plébéien de 300 car il tient le lituus augural. De la sorte, ces monétaires reconstituaient toute une généalogie fictive de leur famille dont le maillon principal, dans leur esprit, était L. Minucius[6]. Ce personnage présentait en outre l’avantage d’être lié à des questions agraires. Or, il semble que la tradition qui relie les Minucii à ces problématiques soit assez ancienne[7]. Ces éléments vont également dans le sens d’une construction plus tardive de la colonne minucienne — pas avant le IIIe siècle selon Momigliano — qui aurait par la suite été attribuée à L. Minucius, au moment de la constitution de cette histoire légendaire des Minucii plébéiens. Il est alors possible d’ajouter l’hypothèse de J. Gagé que le monument en question avait peut-être une dimension cultuelle qui expliquerait la mention du bœuf doré chez Tite-Live. Toutefois il s’agit d’une tradition isolée, sans représentation aucune et ses développements paraissent excessivement compliqués[8]. Si l’existence de ce personnage ne fait aucun doute, il ne peut donc avoir été tribun de la plèbe.

Notes

[1] CIL, I2, 1, p. 16 et p. 104, Chr. 354 (AUC 296), Chr. Pasc. (AUC 296) et Fast. Hyd. (AUC 296).

[2] Sur le consulat (suffect ou non) et sur l’épisode du Mont Algide, voir l’article de la RE et, pour plus de détails, P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 47-50, qui montre comment les annalistes ont réutilisé, pour cet épisode, la soumission du maître de cavalerie M. Minucius Rufus à Q. Fabius Maximus Verrucosus en 217.

[3] CIL, I2, 1, p. 16 et p. 106 et R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 438.

[4] Pour plus de détails sur cette affaire, se reporter à la notice de Sp. Maelius.

[5] Voir E. Pais, Storia critica di Roma durante i primi cinque secoli, Rome : E. Loescher & C.°, 2, La Libera Repubblica e la legislazione decemvirale. Le Guerre contro gli Equi, i Volsci e gli Etruschi, Rome : E. Loescher, 1915, p. 189-202 ; A. Momigliano, « Due punti di storia Romana arcaica », SDHI, 1936, p. 373-398 (= Quarto contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Rome : Edizioni di storia e letteratura, 1969, p. 329-361) ; G. Becatti, La colonna cochlide istoriata. Problemi storici, iconografici, stilistici, Rome : L’Erma di Bretschneider, 1960, p. 34-37 ; H. Lyngby, « Porta Minucia », Eranos, LIX, 1961, p. 136-164 ; Id., « Columna Minucia », Eranos, LXI, 1963, p. 55-62 ; R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 556 ; J. Gagé, « Le dieu Inventor et les Minucii », MEFR, 78, 1966, p. 79-122 ; RRC 242/1 et 243/1 avec les commentaires de M. Crawford ; M. Torelli, « Columna Minucia », LTUR, 1, p. 305-307 et M. Papini, Antichi volti della repubblica. La ritrattistica in Italia centrale tra IV e II secolo A.C., 2 vol., Rome : « L’Erma » di Bretschneider, 2004, p. 148-151. Cf. aussi le volume publié.

[6] Ces rapprochements se trouvent pour la première fois dans P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 88-90, p. 161 et p. 171. Cf. également RRC, 242/1 et 243/1 avec les commentaires de M. Crawford. Cf. le volume publié.

[7] R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 256-257.

[8] Voir notre présentation du problème dans le volume publié.