C. Poetelius C. f. Q. n. Libo Visolus

RE, XXI 1, 1165-1166, n° 7 (auteur : Fr. Münzer), BNP, 11, 442-443, n° 3 (auteur : Chr. Müller) et G. Niccolini, FTP, p. 63-64.

Sources

InscrIt, XIII, 1, p. 68-69 ; Cassiod., Chron. (AUC 394) ; Cassiod., Chron. (AUC 408) ; Cassiod., Chron. (AUC 428) ; Cens., 17, 10 ; Chronogr. a. 354 (AUC 394) ; Chronogr. a. 354 (AUC 408) ; Chronogr. a. 354 (AUC 428) ; Chr. Pasc. (AUC 394) ; Chr. Pasc. (AUC 408) ; Chr. Pasc. (AUC 428) ; Cic., rep., 2, 59 ; D.S., 16, 9, 1 ; 16, 72, 1 et 17, 113, 1 ; D.H., 16, 5 (= XVIII, F de l’édition Pittia) ; Fast. Hyd. (AUC 394) ; Fast. Hyd. (AUC 408) ; Fast. Hyd. (AUC 428) ; Liv., 7, 11, 2-4 ; 7, 11, 7-11 ; 7, 15, 12-13 ; 7, 27, 5 ; 8, 23, 17 et 8, 28 ; Paris, 6, 1, 9 ; Sall., Catil., 33 ; Suid. (à l’article Γάϊος Λαυτώριος) ; Val. Max., 6, 1, 9 et Varro, ling., 7, 105.

Notice

Tout comme le tribun de 442/441, ce personnage est mal connu en dépit de sources bien plus considérables. Le nom même du personnage est délicat[1]. Il nous est connu par les fastes capitolins dans lesquels il apparaît comme consul, pour l’année 360 avec ce nom complet : C. Poetelius C. f. Q. n. Libo Visolus. En revanche, pour la même année, le chronographe de 354 ne le mentionne pas ; la chronique pascale mentionne simplement le nom de Λίβωνος ; les fastes d’Hydatius donnent également le nom de Libone ; et le Chronicon de Cassiodore le nomme C. Poetelius Balbus. Il semble avoir été de nouveau consul en 346. Les fastes capitolins ne nous fournissent cette fois que le cognomen Visolus ; le chronographe de 354 mentionne un Visulo consul pour la deuxième fois ; la chronique pascale à nouveau Λίβωνος ; les fastes d’Hydatius Libone ; et le Chronicon un C. Poetilius consul pour la deuxième fois. Il fut ensuite une dernière fois consul en 326. Les fastes capitolins sont manquants à cette date mais le chronographe de 354 mentionne bien un Libone consul pour la troisième fois ; la chronique pascale le même Λίβωνος ; les fastes d’Hydatius un Libonio ; et le Chronicon un C. Poetelius consul pour la troisième fois. Cette tradition semble donc assez unanime sur le début du nom et il s’agit bien d’un C. Poetelius Libo. La tradition littéraire apporte quelques variantes. Pour les trois consulats, Diodore de Sicile donne systématiquement le gentilice Poplius, mais ce doit être une déformation de Poetelius et il ne faut pas en tenir compte. En revanche, Tite-Live donne pour le premier consulat le cognomen de Balbus. Pour les deux consulats suivants, et pour son tribunat de la plèbe, il ne l’appelle que C. Poetelius. Varron, enfin, parle également d’un C. Poetelius Libo Visolus mais qui aurait été dictateur. Là aussi, il y a une concordance certaine autour de C. Poetilius. Seul le second cognomen prête donc à discussion pour l’année 360 puisque Cassiodore et Tite-Live préfèrent Balbus à Visolus. Ces témoignages étant très isolés, nous pensons qu’il convient bien de l’appeler C. Poetelius Libo Visolus en suivant les fastes capitolins[2].

Durant son premier consulat C. Poetelius mena une guerre contre Tibur mais, l’entrée en campagne de populations gauloises poussa à la nomination d’un dictateur et la conduite de la guerre fut alors partagée. Toutefois, son comportement fut remarquable car, tout comme l’autre consul, il obtint le triomphe et même un double triomphe : sur Tibur et sur les Gaulois. C’est peu de temps après, en 358, que le seul Tite-Live mentionne un tribun de la plèbe du nom C. Poetelio. Il ne lui donne aucun cognomen mais comme les Poetelii sont une famille plébéienne existante à cette époque, il est probable qu’il s’agisse du même personnage[3]. Il se fit connaître comme tribun en proposant un plébiscite visant à réglementer la brigue électorale qui ne fut pas validé par les sénateurs (108). Bien que souvent discuté et nié, il n’y a pas d’arguments décisifs à opposer à l’existence d’un tel plébiscite et il nous semble qu’il doit être considéré comme authentique[4].

Ce personnage réapparaît dans nos sources avec son deuxième consulat en 346. Nous ne savons cependant rien de son action cette année-là car le récit livien se focalise sur le consulat du collègue de Poetelius qui combattit les Volsques et obtint un triomphe. C’est alors seulement en 326 qu’il revint sur le devant de la scène pour un troisième et dernier consulat[5]. Il fut consul en même temps que Papirius. L’année fut marquée par la deuxième guerre samnite. Étant consul, Poetelius joua forcément un rôle important dans la conduite de la guerre mais il est impossible de déterminer lequel car le récit livien ne distingue jamais les deux consuls. Par ailleurs, cette même année, une loi comitiale fut prise afin d’abolir l’esclavage pour dette et elle le fut visiblement à l’initiative des consuls sans là aussi qu’il soit possible d’indiquer lequel eut le rôle le plus important[6]. La loi en question prononçait l’abolition du système de servitude pour dette et la liberté à effet immédiat pour tous les nexi. Cette loi d’abolition du nexus pose de nombreux problèmes tant en ce qui concerne ses auteurs que sa datation. Le point central que l’on retrouve partout est l’histoire édifiante du jeune C. Publilius persécuté par L. Papirius. Son triste sort serait à l’origine de la mesure. Si on retrouve ce schéma directeur dans toutes les sources, il n’en demeure pas moins des variantes notables[7]. On peut partir du tableau récapitulatif très clair proposé par S. Pittia en y ajoutant cependant ceci : aucun auteur ne donne expressément le nom du ou des auteurs de la loi et on l’infère simplement de la date. Or cette date est problématique : Cicéron est très vague ; Denys d’Halicarnasse la place après les Fourches Caudines mais sans préciser davantage ; Tite-Live la situe en 326 sous le consulat de C. Poetelius et de L. Papirius ; Valère Maxime la place également après les Fourches Caudines et Varron la rapporte à un Poetelius dictateur, donc à 313. Résoudre ces contradictions revient à soulever le problème de la date du désastre des Fourches Caudines. Si on se fonde sur la date traditionnelle de 321, il y a incompatibilité entre les différentes versions. En revanche, si on accepte la chronologie des guerres samnites, proposée par M. Sordi puis par G. Firpo, il convient de remonter la bataille des Fourches Caudines à 334-332[8]. On peut alors constater une concordance entre Denys, Tite-Live et Valère Maxime. Une telle interprétation a été renforcée par le travail de G. Urso, qui se fonde également sur les travaux de M. Sordi et sur le chronographe de 354, pour proposer lui aussi la possibilité d’une nouvelle date plus ancienne à cette bataille[9]. Le témoignage de Varron doit en conséquence être compris comme une tentative d’harmoniser ce problème de datation en cherchant un Poetelius postérieur à la date qu’il donnait à cette bataille. Seul le dictateur de 313 faisait alors l’affaire. Il est cependant tout à fait possible qu’il ne soit pas resté suffisamment longtemps en fonction pour faire voter une telle loi[10]. En dépit de l’érudition dont témoigne cette tentative, il ne nous semble pas que changer la date de cette bataille soit pertinent. Il faut conserver la date de 321 et les contradictions entre les sources.

Il en ressort, au delà des informations capitales apportées par cette affaire sur le sens même du nexus[11], que cette loi doit, faute de mieux, être appelée lex Poetelia Papiria de nexis et qu’il faut bien la dater de 326. Un de ses auteurs fut C. Poetelius qu’il faut bien distinguer du dictateur de 313. Ils sont sans doute père et fils[12]. Par ailleurs, on constate qu’avec C. Poetelius Libo Visolus, la famille des Poetelii atteignit le sommet des honneurs et entra de plein pied dans la nobilitas[13]. C’est donc un personnage historique très important pour l’histoire de cette famille. Dès lors, son tribunat ne nous semble pas devoir être écarté même s’il intervient après un premier consulat car le cursus honorum était loin d’être réellement fixé à cette date.

Notes

[1] Cf. présentation de la famille.

[2] R. E. A. Palmer, The Archaic Community of the Romans, Cambridge : CUP, 1970, p. 146-147 propose d’interpréter le cognomen Libo en référence à libones, qui serait un assistant mineur de certaines pratiques religieuses.

[3] St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 2, Books VII-VIII, Oxford : Clarendon Press, 1998, p. 149-150 reconnaît possible cette identification mais estime que le cursus du personnage serait alors « eccentric ». Pour le milieu du IVe siècle, un tel argument est de faible valeur. C’est pourquoi il est effectivement « easier to postulate the existence of another C. Poetelius in this period », mais peu convaincant.

[4] Voir G. Rotondi, LPPR, p. 221 ; K.-J. Hölkeskamp, Die Entstehung der Nobilität. Studien zur sozialen und politischen Geschichte der Römischen Republik im 4. Jhdt. v. Chr., Stuttgart : Fr. Steiner Verlag, 1987, p. 83-84 ; Id., « Die Entstehung der Nobilität und der Funktionswandel des Volkstribunats: die historische Bedeutung der lex Hortensia de plebiscitis », Archiv für Kulturgeschichte, 70, 1988, p. 290-291 ; Id., « Das plebiscitum Ogulnium de sacerdotiis : Überlegungen zu Authentizität und Interpretation der livianischen Überlieferung », RhM, 131, 1988, p. 59-60 ; M. Elster, Die Gesetze der mittleren römischen Republik. Text und Kommentar, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2003, p. 12-14 n° 6 et St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 2, Books VII-VIII, Oxford : Clarendon Press, 1998, p. 175-176.

[5] St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 2, Books VII-VIII, Oxford : Clarendon Press, 1998, p. 664 propose d’identifier le consul de 326 avec le C. Poetelius dictateur en 313 et non avec le consul de 360 et 346, mais sans argument véritablement convaincant là-aussi.

[6] G. Rotondi, LPPR, p. 230-231 et M. Elster, Die Gesetze der mittleren römischen Republik. Text und Kommentar, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2003, p. 63-71 n° 30.

[7] Des études récentes permettent de faire le point sur cette question. On consultera en particulier G. Firpo, « La cronologia delle guerre sannitiche », Ævum, 68, 1994, p. 33-49 ; M. Di Paolo, « Alle origini della Lex Poetelia de nexis », Index, 24, 1996, p. 275-288 avec une importante bibliographie ; G. Urso, « La lex Poetelia Papiria e la data della Battaglia di Caudio », RIL, 1996, p. 113-120 ; Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 2, Books VII-VIII, Oxford : Clarendon Press, 1998, p. 688-694 ; et Denys d’Halicarnasse, Rome et la conquête de l’Italie aux IVe et IIIe siècles avant J.-C. (livres XIV à XX des Antiquités romaines), texte traduit et commenté sous la direction de S. Pittia, Paris : Les Belles Lettres, 2002, p. 263-267 qui résume la discussion.

[8] Voir M. Sordi, « Alessandro e i Romani », RIL, 99, 1965, p. 435-452 ; Ead., « Sulla cronologia Liviana del IV secolo », Helikon, 5, 1965, p. 3-44 ; Ead., « L’excursus Sulla colonizzazione romana in Velleio e le guerre sannitiche », Helikon, 6, 1966, p. 627-638 ;  Ead.Roma e i Sanniti nel IV secolo a. C., Bologne : Cappelli, 1969 et G. Firpo, « La cronologia delle guerre sannitiche », Ævum, 68, 1994, p. 33-49.

[9] Voir G. Firpo, « La cronologia delle guerre sannitiche », Ævum, 68, 1994, p. 45-49 et G. Urso, « La lex Poetelia Papiria e la data della Battaglia di Caudio », RIL, 1996, p. 115-120.

[10] G. Urso, « La lex Poetelia Papiria e la data della Battaglia di Caudio », RIL, 1996, p. 115-118.

[11] M. Di Paolo, « Alle origini della Lex Poetelia de nexis », Index, 24, 1996, p. 277-280 et Denys d’Halicarnasse, Rome et la conquête de l’Italie aux IVe et IIIe siècles avant J.-C. (livres XIV à XX des Antiquités romaines), texte traduit et commenté sous la direction de S. Pittia, Paris : Les Belles Lettres, 2002, p. 266-267.

[12] Cf. Plin., nat., 33, 17.

[13] P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 103-104 et M. Humm, Appius Claudius Caecus. La République accomplie, Rome : EFR, 2005, p. 125.