A. Aternius Varus Fontinalis

RE, II 2, 1923 (auteur : E. Klebs) ; BNP, 2, 227 (auteur : K.-L. Elvers) et G. Niccolini, FTP, p. 32.

Sources

Cassiod., Chron. (AUC 300) ; Chronogr. a. 354 (AUC 300) ; Chr. Pasc. (AUC 300) ; Cic., rep., 2, 60 ; D.S., 12, 6, 1 (avec le nom Αὖλον Ἀστέριον Φοντίνιον) ; D.H., 10, 48, 1 (avec le nom Αὖλος Τερμήνιος) et 10, 50 ; Fast. Hyd. (AUC 300) ; Fest., p. 270 L. s.v. peculatus ; Gell. 2, 11, 1 et 11, 1, 2 ; Liv., 3, 31, 5-6 et 3, 65, 1-4 ; Plin., nat., 7, 28 ; 18, 11 et 33, 7.

Notice

A. Aternius est un personnage dont l’authenticité fait l’objet d’un certain nombre de controverses. Il fut consul en 454 avec Sp. Tarpeius Montanus Capitolinus et apparaît dans les fastes capitolins sous le nom complet d’A. Aternius I. f. n. Varus Fontinalis[1]. Concernant ses cognomina, ils présentent plusieurs significations. Le terme « Varus », qui lui est aussi attribué par la chronique pascale et les fastes d’Hydatius, renvoie à une difformité physique : il désigne les jambes arquées, cagneuses, rejoignant ainsi la fonction première des cognomina romains. « Fontinalis », que l’on trouve chez le chronographe 354, renvoie, quant à lui, soit à une dénomination géographique (comme la Porta Fontinalis) soit à une période du calendrier[2]. Ces cognomina sont vraisemblablement des inventions qu’il faut mettre en rapport avec ceux de son collègue[3].

Son consulat fut marqué par la mise en accusation des consuls précédents, Tite-Live et Denys d’Halicarnasse divergeant sur la personne de l’accusateur et suivant très certainement des sources différentes[4]. Cet élément de contexte a son importance, mais ce personnage — ainsi que son collègue — est surtout lié à une loi sur les amendes (43) dont il est délicat de préciser la teneur exacte en raison de la grande confusion des sources à son sujet. Il est ainsi quasi impossible de savoir si c’est Aternius ou son collègue qui en fut à l’origine car les auteurs qui parlent de cette loi la nomment soit lex Aternia, soit lex Tarpeia, soit — plus rarement — lex Aternia Tarpeia. En outre, Tite-Live ne mentionne aucune loi pour l’année 454 et seul Denys d’Halicarnasse fait référence à une loi sur le droit d’infliger les amendes. Quant au contenu même de la loi, il varie fortement selon les sources et a donné lieu à des interprétations multiples même si un point fait consensus : cette loi fixait les montants des amendes et leur équivalent en nature[5].

C’est dans ce contexte qu’il faut interroger le fait que, d’après Tite-Live, A. Aternius aurait aussi été tribun de la plèbe en 448, à la suite d’une élection pour le moins originale. En effet, comme dix tribuns ne furent pas élus, on procéda à une cooptation et A. Aternius fut choisi, avec Sp. Tarpeius, pour flatter les patriciens d’après Tite-Live. S’insurgeant contre ces pratiques, le tribun de la plèbe L. Trebonius fit voter un plébiscite stipulant que ce type de cooptation serait désormais interdit et qu’en cas d’élection de moins de dix tribuns, on devrait poursuivre les opérations de vote jusqu’à atteindre ce nombre (55). Nous ne savons rien d’autre sur le tribunat d’Aternius mais rappelons qu’en son temps, Mommsen prétendit que les informations de Tite-Live sur cette élection étaient une interpolation d’un grammairien plus tardif car sa phrase fait presque entièrement défaut dans le palimpseste de Vérone. Weissenborn a, depuis, montré l’impossibilité de cette supposition et Mommsen lui-même l’a retirée[6]. Pour autant, la question de savoir si des patriciens purent devenir tribuns de la plèbe demeure problématique[7]. Deux points de vue ne cessent de s’opposer à ce sujet. Pour certains, cette cooptation est peu crédible[8], à l’inverse, d’autres l’estiment plausible, surtout dans la mesure où ils font généralement de ces personnages des plébéiens[9]. Quelques éléments permettent cependant d’opter en faveur de la première hypothèse.

Certes, c’est en 454, année du consulat d’Aternius et de Tarpeius, qu’aurait été décidé l’envoi d’une ambassade à Athènes afin d’étudier les lois grecques en vue de la mise par écrit des lois romaines. Or, s’il s’agissait d’une revendication plébéienne, la décision de cet envoi aurait été prise par Tarpeius et Aternius, ce qui pourrait fournir une explication à leur élection comme tribun quelques années plus tard, laquelle aurait été une forme de récompense. Toutefois, trop se focaliser sur ce point conduit à occulter qu’Aternius, en tant que consul, se serait aussi, selon Tite-Live, opposé avec son collègue à des projets tribunitiens concernant des lotissements de terre. Attribuer de façon univoque une politique philo-plébéienne au personnage est donc malaisé. En outre, selon une hypothèse suggestive de Ranouil, la tradition sur ce tribunat suit sans doute une source tardive faisant de la lex Aternia, du fait de ses dispositions favorables à la plèbe, un plébiscite et donc de ses rapporteurs des plébéiens[10]. Par ailleurs, une telle cooptation servait le récit livien puisqu’elle permettait d’introduire avec beaucoup de vigueur l’opposition de Trebonius et de dramatiser les antagonismes en présence. Enfin, le témoignage des fastes nous paraît devoir primer. En effet, leur authenticité est aujourd’hui plutôt acceptée, à l’exception des tous premiers collèges, et ils ne laissent ici pas de doute sur les titulaires du consulat en 454. L’accès à la magistrature suprême à cette date excluait qu’Aternius et son collègue pussent devenir tribuns par la suite. Une telle cooptation nous paraît ainsi plus dériver de modifications historiographiques ultérieures que d’un authentique tribunat patricien.

A. Aternius est donc, selon nous, un personnage à l’authenticité incontestable. Patricien issu d’une famille étrusque qui s’éteignit très rapidement, il joua un rôle important dans la décennie qui précéda le décemvirat législatif. En revanche, il nous paraît impossible qu’il fût tribun de la plèbe.

Notes

[1] CIL, I², 1, p. 16 et p. 104.

[2] I. Kajanto, The Latin Cognomina, Helsinki : Societas scientiarum fennica, 1965, p. 60-61, p. 220 et p. 242.

[3] C. Ampolo, « I gruppi etnici in Roma arcaica: posizione del problema e fonti », dans Gli Etruschi e Roma. Atti dell’incontro di studio in onore di Massimo Pallottino, Roma, 11-13 dicembre 1979, Rome : G. Bretschneider, 1981, p. 60.

[4] Voir les notices de L. Siccius Dentatus, C. Calvius Cicéron et L. Alienus. Cette différence de sources est aussi particulièrement visible dans le fait que Tite-Live ignore complètement la lex Aternia Tarpeia alors que Denys d’Halicarnasse y fait allusion.

[5] Sur cette loi, cf. G. Rotondi, LPPR, p. 200-201 et D. Flach, Die Gesetze der frühen römischen Republik. Text und Kommentar, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1994, p. 98-101 n° 23 avec la bibliographie. On y ajoutera, depuis, l’article de G. Firpo, « La tradizione sulle leges de multa di V secolo a.C. (Aternia Tarpeia, 454v., Menenia Sestia, 452v., Iulia Papiria, 430v.) », Athenaeum, 93/2, 2005, p. 397-422. Cf. aussi volume I p. 620-622 pour une présentation plus détaillée du problème.

[6] Th. Mommsen, DP, 3, p. 319, n. 2.

[7] Cf volume I p. 293-322.

[8] Th. Mommsen, Le Droit public romain, traduit de l’allemand par P. F. Girard, Paris : E. Thorin, 1889-1896 (réimprimé par de Boccard à Paris en 1984-1985), 1, p. 249, n. 3 ; p. 250, n. 1 et 3, p. 319, n. 2 ; Id., Römische Forschungen, Berlin : Weidmann, 1, 1864, p. 112 et p. 124 ; J. Binder, Die Plebs, Studien zur römischen Rechtsgeschichte, Leipzig : A. Deichert, 1909, p. 477 ; R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 648 et P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 96.

[9] Voir la notice de présentation des Aternii.

[10] P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 94-97 et p. 161 mais également R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 513-514 (où il est question de la lex Trebonia), p. 515 et p. 648.