Ogulnii

Les Ogulnii sont une lignée plébéienne romaine d’origine très certainement étrusque. Le nom même d’Ogulnius a été peu étudié. Schulze le fait dériver d’une racine étrusque en uclina ou uclnial et cette analyse, probablement juste, fut suivie depuis jusqu’à Morandi Tarabella qui fournit toutes les occurrences étrusques[1]. Ainsi, le gentilice d’origine était sans doute Uclna, plutôt rare en Étrurie méridionale mais plus courant en Étrurie septentrionale[2], qui pourrait être la région d’origine des Ogulnii. Toutefois, toutes les attestations épigraphiques étant tardives, il faut demeurer prudent même si l’on peut imaginer une implantation à Rome relativement précoce, peut-être grâce aux Fabii dont les liens avec l’étrurie étaient importants. Une seule attestation latine républicaine existe, à Rome, mais ce nom apparaît très souvent sur des inscriptions plus tardives (impériales) qui témoignent de sa survivance[3]. Sous la République, cette famille est peu représentée en dépit du grand rôle politique qu’elle joua à une époque. Sont en effet attestés :

  • Cn. Ogulnius (2), tribun de la plèbe en 300 et édile curule en 296 ;
  • Q. Ogulnius Gallus (5), tribun de la plèbe en 300, édile curule en 296 ; légat lieutenant en 292, légat ambassadeur en 273, consul en 269 et dictateur en 257 ;
  • M. Ogulnius (3), légat envoyé en 210 et tribun militaire en 196 ;
  • M. Ogulnius Gallus (4), préteur urbain en 182 ;
  • Ogulnius (1), monétaire vers 85-83 ;
  • une Ogulnia (6), mentionnée par Juvénal et probablement d’époque impériale.

Cette famille est surtout représentée pour les IIIe et IIe siècles. Elle fut alors puissante mais s’effaça par la suite. Sous l’Empire, les Ogulnii sont attestés mais à un niveau social relativement bas semble-t-il. L’authenticité de cette famille est hors de doute et on peut la rapprocher d’un personnage remarquable mentionné dans un elogium de Tarquinia : un certain Orgolnius qui aurait joué un rôle difficile d’interprétation à Caere à la fin du VIe siècle. Une des interprétations possibles serait qu’il aurait peut-être tenté d’introduire des changements dans le régime de la royauté cérite (vers une royauté élective) entrainant une réaction de l’aristocratie locale et notamment en la personne d’Aule Spurinna[4]. On peut se demander s’il n’existe pas un lien (au-delà d’aspects politiques similaires) entre cet Orgulnius et les Ogulnii plébéiens de Rome et proposer une émigration dans l’Vrbs qui aurait suivi ces événements donc au plus tôt à partir du début du Ve siècle et au plus tard pendant la seconde moitié du IVe siècle. Si le lien n’est pas directement familial, il pourrait être de type revendicatif d’une même tradition politique. Par ailleurs, l’ensemble des Ogulnii plébéiens forme très certainement une seule et même famille mais il nous manque deux générations pour faire le lien entre les tribuns de 300 et le légat de 210. Enfin, on peut noter que la présence d’une telle famille ainsi que son action témoigne de la persistance d’une certaine influence étrusque à Rome encore à la fin du IVe siècle[5].

Notes

[1] RE, XVII 2, 2064 à l’article sur les Ogulnii (auteur : Münzer) ; BNP, 10, 66 ; E. Pais, Ricerche sulla storia e sul diritto pubblico di Roma, Rome : P. Maglione & C. Strini, 2, 1916, p. 144 et 3, p. 149 ; W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 150-151 et p. 364 ; J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 157 et p. 377 ; H. Rix, Das Etruskische Cognomen. Untersuchungen zu System, Morphologie und Verwendung der Personennamen auf den jüngeren Inschriften Nordetruriens, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1963, p. 140 et p. 302 ; Epigrafia e ordine senatorio. Atti del Colloquio Internazionale AIEGL (Roma, 14-20 maggio 1981), Rome : Edizioni di storia e letteratura, 1982, 2, p. 277 ; G. Breyer, Etruskisches Sprachgut im Lateinischen unter Ausschluss des spezifisch onomastischen Bereiches, Louvain : Departement Oriëntalistiek, 1993, p. 370 et M. Morandi Tarabella, Prosopographia Etrusca, I, Corpus, 1. Etruria meridionale, Rome : L’Erma di Bretschneider, 2004, p. 563-564. Voir également, M. Torelli, « Senatori etruschi della tarda repubblica e dell’impero », Dial. Arch. IIIs., p. 285-363 et Id., Elogia Tarquiniensia, Florence : Sansoni, 1975, p. 39-41.

[2] Epigrafia e ordine senatorio. Atti del Colloquio Internazionale AIEGL (Roma, 14-20 maggio 1981), Rome : Edizioni di storia e letteratura, 1982, 2, p. 277 avec les références aux inscriptions : CIE, 2571, 4502 et 5167 (= TLE, n° 204). Il est aussi représenté dans des inscriptions étrusques tardives. Cf. H. Rix, ET, Pe 1.1261 ; Cl. 1.279 ; Cl 1.280 et Vs 1.226.

[3] CIL, I2, 1207 (= VI, 1958 et 9812 = ILS, 7461 = ILLRP, 807). Il s’agit d’une inscription républicaine tardive (Ier siècle) trouvée près du fameux tombeau d’Eurysacis dont ledit Ogulnius était sans doute un ami. Cf. P. P. Ciancio Rossetto, Il Sepolcro del fornaio Marco Virgilio Eurisace a Porta Maggiore, Rome : Istituto Nazionale di Studi Romani, 1973, p. 71-73 et L. Hackworth Petersen, « The Baker, his Tomb, his Wife, and her Breadbasket: The Monument of Eurysaces in Rome », The Art Bulletin, 85/2, 2003, p. 230-257.

[4] M. Torelli, Elogia Tarquiniensia, Florence : Sansoni, 1975, p. 70-72 et L. Aigner Foresti, « Forme di organizzazione politica nella Caere arcaica », dans S. Bruni (éd.), Etruria e Italia preromana. Studi in onore di Giovannangelo Camporeale, Pise et Rome : Fabrizio Serra, 2009, p. 9-15.

[5] Lire, en ce sens, les remarques de P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 188-189.