Numitorii

Il s’agit d’une lignée plébéienne romaine dont le nom — très ancien — doit être mis en relation avec Numitor, le roi d’Albe la Longue, et le grand-père de Romulus et Remus selon la légende de fondation de Rome. Ce nom doit aussi être rapproché du nom Numiternus, un des anciens noms du dieu Mars[1]. Une possible racine étrusque a été parfois mise en avant en rapprochant Numitorius du nom de Numa ou éventuellement de l’étrusque Numσie. On pourrait aussi peut-être y lire un dérivé du gentilice étrusque Numθral. Toutes ces formes sont attestées par l’épigraphie mais uniquement sur des inscriptions tardives[2]. Toutefois, même dans ces dernières hypothèses, non seulement les seules attestations épigraphiques sont récentes, mais en outre, la forme Numitorius est trop latinisée pour pouvoir assurer une origine étrusque. L’épigraphie latine républicaine apporte quelques éléments supplémentaires avec deux inscriptions antérieures à la deuxième guerre punique (IIIe siècle) qui furent trouvées à Préneste[3]. Les inscriptions plus tardives furent retrouvées majoritairement à Rome mais une autre encore à Préneste[4]. F. Coarelli proposa de voir l’origine de cette famille à Frégelles mais A. Grandazzi nuance ce propos et lui préfère une origine plus latiale, peut-être à Préneste donc[5]. Sont attestés sous la République :

  • L. Numitorius (3), tribun de la plèbe en 470 ;
  • P. Numitorius (4), tribun de la plèbe en 449 ;
  • Numitoria (7), fille ou nièce du (4) ;
  • C. Numitorius (1), monétaire vers 133-126 ;
  • C. Numitorius (Nemetorius) (voir 1), sénateur en 129 ;
  • Q. Numitorius Pullus (5), qui trahit à Frégelles en 125 les révoltés[6] ;
  • Numitoria (8), fille du (5) et première épouse de M. Antonius Creticus ;
  • C. Numitorius (2), chevalier romain témoin à charge contre Verrès et sans doute fils du (1)[7].

Cette lignée demeura présente jusqu’au dernier siècle de la République mais ne parvint jamais à se hisser à un niveau important de la hiérarchie politique romaine. Il y a en outre un important hiatus entre les Numitorii du début et ceux du dernier siècle de la République. Enfin, cette famille ne semble pas s’être maintenue sous l’Empire et dut donc s’éteindre vers l’époque augustéenne. Une telle histoire familiale et la faible importance des Numitorii postérieurs rendent peu crédible l’hypothèse d’une interpolation. Comme, en outre, la tradition accorde une réelle importance à cette famille au Ve siècle, il nous semble préférable d’accepter l’existence des Numitorii plébéiens dès cette époque[8].

Notes

[1] Voir RE, XVII 2, 1404 (auteur : Fr. Münzer) à l’article général sur les Numitorii ; BNP, 9, 908 ; mais également E. Babelon, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine vulgairement appelées monnaies consulaires, Paris : Rollin et Feuardent, 1885-1886, 2, p. 261 ; Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 163, p. 200, p. 334 et p. 340 ; J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 97 ; R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 382 et, pour le rapprochement Numitorius, Numiternus, Mars, voir aussi CIL, X, n° 5046 (= ILS, n° 3149).

[2] Pour la forme Numσie, cf. H. Rix, ET, Cl. 1.753 mais aussi 1.2025 et 1.2028 mais il s’agit d’inscriptions récentes. Cf. cependant M. Morandi, « Tarquini », REE, 64, 2001, p. 352-353 n° 26 et M. Morandi Tarabella, Prosopographia Etrusca, I, Corpus, 1. Etruria meridionale, Rome : L’Erma di Bretschneider, 2004, p. 336-337 et p. 631 pour des attestations plus anciennes de la forme Numσie. Il y a cependant fort peu de chance qu’elle soit à l’origine du gentilice Numitorius. Pour la forme Numθr, cf. H. Rix, ET, Fs 7.1. Elle est cependant là-aussi tardive. Voir A. Carnoy, « Étymologie des noms romains d’origine étrusque », Ant. Class., 25, 1956, p. 386-407, p. 398-399 ; C. De Simone, « *Numasie/*Numasio – : le formazioni etrusche e latino-italiche in -sie/-sio », SE, 56, 1990, p. 191-215 et A. Grandazzi, Alba Longa, histoire d’une légende. Recherches sur l’archéologie, la religion et les traditions de l’ancien Latium, Rome : EFR, 2008, 2, p. 777.

[3] CIL, I2, 206 (= XIV, 3177 = ILLRP, 864 = Cippi prenestini, 86, 1, Préneste) et 207 (= XIV, 3178 = Cippi prenestini, 86, 2 =  SupplIt Imagines, CIL XIV, Latium uetus praeter Ostiam, 550, Préneste).

[4] CIL, I2, 809 (= VI, 37043 = ILLRP, 464, Rome) ; 1121 (= VI, 8317, Rome) ; 1122 (= VI, 8318, Rome) ; 1282 (= VI, 15730 = SupplIt Imagines, CIL, VI, 3, Collezioni Fiorentine 3765, Rome) ; 1347 (= VI, 23137, Rome) ; 1455 (= ILLRP, 107b, Préneste) et 2257 (Délos).

[5] F. Coarelli, « Praenete in età repubblicana », dans B. Coari (éd.), La Necropoli di Praeneste. Periodi orientalizzante e medio repubblicano. Atti del 2° convegno di studi archeologici, Palestrina, 21/22 Aprile 1990, Palestrina : Assessorato alla cultura, 1992, p. 261 et A. Grandazzi, Alba Longa, histoire d’une légende. Recherches sur l’archéologie, la religion et les traditions de l’ancien Latium, Rome : EFR, 2008, 2, p. 774.

[6] M. Cébeillac-Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome : EFR, 1998, p. 180 et p. 217.

[7] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 959.

[8] Voir les analyses d’A. Grandazzi, Alba Longa, histoire d’une légende. Recherches sur l’archéologie, la religion et les traditions de l’ancien Latium, Rome : EFR, 2008, 2, p. 773-783.