Mucii

Les Mucii sont une des grandes lignées de la République, dont le caractère plébéien a parfois été mis en doute. Fr. Münzer, déjà, dans sa présentation de la famille estimait qu’elle aurait pu être patricienne[1]. La question a rebondi sur un problème épigraphique : le nom du maître de cavalerie de l’année 362. La proposition de lecture de Degrassi (P. Cornelius Scapula), a été remise en question par R. T. Ridley qui lui préfère un Mucius Scaevola, lequel aurait été patricien[2]. Si cela était, il y aurait un Mucii patricien attesté, car les autres ne sont que des inventions de l’annalistique. Si sa lecture des fastes est possible, faire de ce Mucius un patricien nous paraît toutefois compliqué eut égard à l’histoire de cette famille mais aussi aux événements de l’année 362 tels que présentés par Tite-Live. On a prêté à cette gens une origine étrusque mais il existe fort peu d’éléments allant en ce sens[3]. Certes, la présence de territoires sur la rive droite du Tibre leur ayant appartenu irait dans le sens d’une telle origine, toutefois l’histoire des prata Mucia est dotée d’une forte dimension étiologique qui affaiblit d’autant sa valeur de preuve historique. Par ailleurs, nous n’avons aucune indication concernant la tribu de ces personnages ce qui fait un élément de compréhension de leur histoire en moins[4]. Le dossier épigraphique républicain est plutôt mince et tardif : toutes les inscriptions sont postérieures à la deuxième guerre punique. Il va cependant lui aussi plutôt dans le sens d’une provenance d’Italie centrale même si cela demeure incertain[5]. Sous la République, les Mucii connus sont les suivants :

  • C. Mucius Cordus Scaevola (10) qui intervint durant la guerre contre Porsenna ;
  • P. Mucius (7 et 15) tribun de la plèbe en 486 ;
  • Q. Mucius Scaevola (9 et 19), consul en 220, préteur en 215, propréteur en 214-212 et décemvir sacris faciundis d’une date inconnue à 209 ;
  • P. Mucius Scaevola (16), fils du (19), préteur urbain en 179 et consul en 175 ;
  • Q. Mucius Scaevola (20), fils du (19), préteur en Sicile en 179, consul en 174, tribun militaire en 171 et légat lieutenant en 171 ;
  • P. Mucius Scaevola (17), fils du (16), tribun de la plèbe en 141, préteur en 136, consul en 133, pontife d’avant 130 à 115 et grand pontife de 130 à 115[6] ;
  • Q. (?) Mucius (1 et 6) peut-être tribun de la plèbe en 133[7] ;
  • Q. Mucius Scaevola Augure (21), fils du (20), préteur vers 120, propréteur en 119, consul en 117, augure d’avant 129 à 89;
  • Mucia (26), fille du (21) ;
  • Mucia (27), fille du (21) ;
  • Q. Mucius Scaevola (22), fils du (17), questeur en 110, tribun de la plèbe en 106, édile curule en 100, préteur vers 98, proconsul d’Asie vers 97, consul en 95, pontife de 120/115 à 82 et grand pontife de 89 à 82[8] ;
  • Mucia (28), fille du (22).
  • C. Mucius (4), architecte romain ;
  • P. Mucius Scaevola (18), fils du (22), pontife entre 73 et 69/60 ;
  • Q. Mucius Orestinus (12) tribun de la plèbe en 64[9] ;
  • Q. Mucius Scaevola (23), tribun de la plèbe en 54, peut-être légat lieutenant de 53 à 51 et augure avant 49[10] ;
  • C. Mucius Scaevola (14), quinqueuir sacris faciundis vers 31 ;
  • un Mucius Scaevola (13), mentionné par Appien ;
  • un Mucius (2) de la fin d’époque républicaine mentionné par Macrobe[11] ;
  • Q. Mucius Trupho (24), affranchi ;
  • L. (?) Mucius (5) de date inconnue, magistrat de la guilde des commerçants en bétail de Préneste ;
  • P. Mucius (8) attesté sur une inscription de Spolète.

Ce rapide parcours montre que cette famille n’émergea réellement qu’au IIIe siècle avec P. Mucius Scaevola le consul de 220, même s’il aurait été un consul uitio creati. C’est avec lui qu’elle accéda à la nobilitas. Cette émergence si rapide n’est peut-être toutefois qu’un reflet de l’état de nos sources et, en particulier, de la perte de la deuxième décade de Tite-Live. On peut sans doute supposer quelques Mucii antérieurs dont nous n’avons pas connaissance et qui auraient préparé le terrain et l’ascension du consul de 220, ce dont pourrait témoigner le maître de cavalerie de 362 si l’on accepte la lecture de Ridley. La famille consolida ensuite sa position par deux branches qui atteignirent toutes deux le consulat avec une intéressante répartition des fonctions religieuses. Il est évident que cela jette un doute très fort sur les Mucii d’époque archaïque qui sont vraisemblablement des inventions de l’annalistique.

Notes

[1] RE, XVI 1, 412-413 (auteur : Fr. Münzer).

[2] Voir InscrIt, XIII, 1, p. 104 ; A. Degrassi, « L’epigrafia latina in Italia nell’ultimo quinquennio (1963-1967) », dans Acta of the fifth international congress of Greek and Latin epigraphy (Cambridge, 1967), Oxford : Basil Blackwell, 1971, p. 155 ; T. R. S. Broughton, MRR, 1, p. 118 et 3, p. 70 et R. T. Ridley, « The Missing Magister Equitum », ZPE, 116, 1997, p. 157-160.

[3] BNP, 9, 255 et J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 88, p. 113, p. 154 et p. 375.

[4] L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, The Thirty Five Urban and Rural Tribes, Rome : American Academy in Rome, 1960, p. 279 ; R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 266 et M. Humbert, Municipium et civitas sine suffragio. L’organisation de la conquête jusqu’à la guerre sociale, Rome : EFR, 1978 , p. 55-56. Sur le lieu en question, les Prata Mucia, voir LTUR, 4, p. 161.

[5] CIL, I2, 903 (= ILLRP, 1017, Rome), 972 (= VI, 30688 = ILS, 3491 = ILLRP, 56, Rome), 2316 (= XV, 1308, Rome) ; 1450 (= XIV, 2878 = ILS, 3683c = ILLRP, 106 = SupplIt Imagines, CIL XIV, Latium uetus praeter Ostiam, 623, Préneste), 1826 (= IX, 4072, Carsioli) et 2106 (= XI, 4806 a = ILLRP, 668, Spolète).

[6] G. Niccolini, FTP, p. 139 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 691-692.

[7] G. Niccolini, FTP, p. 142-151.

[8] G. Niccolini, FTP, p. 189 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 716-717.

[9] G. Niccolini, FTP, p. 265-266.

[10] Ibid., p. 310-313.

[11] Macr., sat., 2, 2, 8.