Minucii

Les Minucii sont une très vieille lignée romaine sans doute originaire du Latium et patricienne au départ[1]. Le nom a été parfois interprété comme étant étrusque mais il n’existe pas de gentilice étrusque de ce type[2]. La seule inscription antérieure à la deuxième guerre punique mentionnant une Minucia fut retrouvée à Préneste, mais l’on conserve aussi une dédicace à Hercule du dictateur de 217[3]. Les autres inscriptions latines républicaines sont postérieures à la deuxième guerre punique mais témoignent d’une forte prédominance des inscriptions romaines[4]. Vers la fin de la République, on les retrouve vers Minturnes d’où ils ne sont cependant pas originaires et ce semble être un déplacement de tribu[5]. Comme un certain nombre d’autres familles, les Minucii présentent une stirps patricienne et une stirps plébéienne qui se succédèrent dans le temps[6]. Sous la République sont attestés :

  • un C. Minucius (10), mentionné comme priuatus en 509 par Plutarque ;
  • M. Minucius Augurinus (32), questeur en 509, consul en 497, consul une seconde fois en 491, légat envoyé en 488 ;
  • P. Minucius Augurinus (33), consul en 492 ;
  • L. Minucius Esquilinus Augurinus (40), consul ou consul suffect en 458, décemvir en 450-449, préfet de l’annone en 440-439 et peut-être tribun de la plèbe en 439 ;
  • Q. Minucius Esquilinus (41), consul en 457 ;
  • Sp. Minucius (28), peut-être grand pontife en 420 ;
  • M. Minucius (19), tribun de la plèbe en 401 ;
  • Minucia (68), vestale en 337 ;
  • Ti. Minucius Augurinus (34), consul en 305 ;
  • M. Minucius Faesus (42), augure à partir de 300 ;
  • C. Minucius (11), soldat en 280 ;
  • M. Minucius Rufus (52), consul en 221, maître de cavalerie en 217, dictateur en 217 ;
  • M. Minucius (20), tribun de la plèbe en 216[7] ;
  • Q. Minucius (Rufus) (22, voir 55), légat lieutenant en 211, édile de la plèbe en 201, préteur en 200, propréteur en 199, consul en 197, légat ambassadeur en 189-188, puis en 183 et enfin peut-être en 174 ;
  • Q. Minucius Thermus (65), tribun militaire en 202, tribun de la plèbe en 201, édile curule en 198, triumvir coloniae deducendae en 197-194, préteur en 196, promagistrat en 195, consul en 193, proconsul en 192-190 et légat ambassadeur en 198-188[8] ;
  • M. Minucius Rufus (53), préteur pérégrin en 197, triumvir coloniae deducendae en 194-192 et légat ambassadeur en 193 ;
  • P. Minucius (21), tribun militaire en 193 ;
  • Q. Minucius (23, voir 24), tribun militaire en 193, légat ambassadeur en 174 et préteur peut-être en 164 ;
  • L. Minucius Myrtilus (44), livré aux carthaginois en 188 pour avoir frappé leurs ambassadeurs ;
  • C. Minucius Augurinus (30), tribun de la plèbe peut-être en 187 ou 184[9] ;
  • L. Minucius Thermus (15, voir 63), légat lieutenant en 182-181, 180, puis 178, légat envoyé en 177, légat ambassadeur en 154 puis en 145-144 ;
  • Ti. Minucius Molliculus (43), préteur pérégrin en 180 ;
  • T. Minucius Rufus (58), peut-être légat lieutenant ou préfet en 171 ;
  • Q. Minucius Rufus (56), monétaire vers 137-134, commissaire spécial en 117 et légat lieutenant en 110-106 ;
  • Q. Minucius (25), édile curule peut-être en 135 ;
  • L. Minucius (16, voir 37), monétaire vers 135-126 ;
  • Minucius (6), peut-être tribun de la plèbe en 133[10] ;
  • C. Minucius Augurinus (31), monétaire vers 133-126 ;
  • M. Minucius Rufus (54, voir 48), tribun de la plèbe en 121, commissaire spécial en 117 pour arbitrer un litige, préteur vers 113, consul en 110, proconsul de 109 à 106[11] ;
  • Ti. Minucius Augurinus (35), monétaire vers 119-110 ;
  • Q. Minucius (Thermus ?) (66), monétaire vers 96-94, peut-être questeur en 89 et légat lieutenant propréteur en 86 ;
  • un Minucius peut-être tribun de la plèbe vers 91[12] ;
  • L. Minucius Basilus (37), légat lieutenant en 88 et tribun militaire en 86[13] ;
  • Minucia (69), sœur du (37) ;
  • Minucius Rufus (49), préfet de la marine en 88 ;
  • M. Minucius Thermus (64), préteur en 81 et peut-être propréteur en 80 ;
  • une Minucia (70), peut-être fille du (64) ;
  • M. (Minucius ?) Basilus (39), sénateur, chevalier, au procès d’Oppianicus en 74[14] ;
  • Q. Minucius Thermus (67), peut-être questeur avant 73, tribun de la plèbe en 62, préteur peut-être vers 58 ou 53, propréteur en 52-50, propréteur en 49 et légat envoyé en 43 puis proscrit[15] ;
  • Minucia (71), peut-être fille du (67) ;
  • Q. Minucius (Rufus) (26), chevalier romain et negotiator à Syracuse vers 73-70[16] ;
  • (Minucius ?) Thermus (60), préteur vers 67 ;
  • Cn. Minucius (13), accusateur de C. Manilius en 65[17] ;
  • un Minucius (8), mentionné par Cicéron comme catilinien ;
  • A (Minucius) Thermus (61), mentionné dans la correspondance de Cicéron pour 59 ;
  • L. Minucius Basilus (38), questeur peut-être en 55, légat lieutenant en 53-48, préfet des camps en 48 et préteur en 45[18] ;
  • Minucius Pica (45), personnage du livre III de l’économie rurale de Varron, qui a pu avoir été inventé par l’auteur ;
  • Minucius Rufus (50, voir 9), préfet de la marine en 48 et proscrit en 43[19] ;
  • Minucius Silon (59), client de L. Racilius vers l’année 48 ;
  • C. Minucius Reginus (47), préfet en 46[20] ;
  • Minucius (9, voir 50), préteur en 43 ;
  • Cn. Minucius (14), mentionné en 43 dans la correspondance de Cicéron ;
  • Q. Minucius (27), censeur municipal de Thurii à l’époque républicaine.

Les Minucii furent donc une lignée puissante issue d’une antique branche patricienne tôt disparue. On doit ajouter à cette liste un cas complexe. En effet, pour 379, Diodore de Sicile donne une liste de tribuns militaires à pouvoirs consulaires comprenant deux noms de plus que celle de Tite-Live[21]. On en a inféré qu’il pourrait s’agir d’un collège de censeurs. Or un de ces noms — C. Erenucius (Ἑρενούκιον) — ne convient pas et il a été proposé de l’émender en Minucius, Numicius voire Genucius[22]. Il pourrait ainsi y avoir un Minucius patricien de plus. En tous les cas, la gens patricienne était restée suffisamment dans les mémoires pour que la branche plébéienne cherchât à l’utiliser afin de grandir ses origines. Cette branche plébéienne fut en effet puissante aux IIIe et IIe siècles — avec les Minucii Rufi et les Minucii Thermi — c’est-à-dire à une période cruciale pour les processus de cristallisation des reconstructions historiques à Rome. De la sorte, les Minucii d’époque archaïque doivent être considérés avec la plus extrême prudence.

Notes

[1] BNP, 9, 36 ; J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 157, p. 283 et p. 374 et P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 187.

[2] W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 290 et p. 442 et A. Carnoy, « Étymologie des noms romains d’origine étrusque », Ant. Class., 25, 1956, p. 386-407, p. 398.

[3] CIL, I2, 199 (= XIV, 3169 = Cippi prenestini, 80) et, pour la dédicace du dictateur, CIL, I2, 607 (= VI, 284 = ILS, 11 = ILLRP, 118 = SupplIt Imagines, CIL, VI, 1, Musei Capitolini, 135, Rome).

[4] CIL, I2, 709 (= VI, 37045 = ILS 8888 = ILLRP, 515 = SupplIt Imagines, CIL, VI, 1, Musei Capitolini, 2228, Rome) ; 1113 (= VI, 8309, Rome) ; 1114 (= VI, 8310, Rome) ; 1115 (= VI, 8311, Rome) ; 1237 (= VI, 5961 = ILS, 7850 = ILLRP, 396, Rome) ; 1238 (VI, 5962, Rome) ; 1239 (= VI, 5963, Rome) ; 1240 (= VI, 5964, Rome) ; 1241 (= VI, 5965, Rome) ; 1339 (= VI, 22541, Rome) ; 1340 (= VI, 22556 = SupplIt Imagines, CIL, VI, 1, Musei Capitolini, 1711, Rome) ; 674 (= X, 3775 = ILS, 3770 = ILLRP, 707, Capoue) ; 1694 (= X, 123 = ILS, 5530 = ILLRP, 677, Thourii) ; 1917 (= IX, 5305= ILS, 5391 = ILLRP, 577, Marani) ; 2164 (= V, 3671, Vérone) ; 692 (= III, 14203, 23 = ILS, 8887 = Syll.3, 710 = ILLRP, 337, Delphes) et 693 (= III, 566 = 7304 = ILLRP, 52, Delphes).

[5] L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, The Thirty Five Urban and Rural Tribes, Rome : American Academy in Rome, 1960, p. 236 et M. Humbert, Municipium et civitas sine suffragio. L’organisation de la conquête jusqu’à la guerre sociale, Rome : EFR, 1978 , p. 340, n. 18.

[6] Sur l’authenticité de la branche patricienne, voir P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 85-90. Un point de vue un peu différent dans T. P. Wiseman, « The Minucii and their Monument », in J. Linderski (éd.), Imperium sine fine: T. Robert. S. Broughton and the Roman Republic, Stuttgart : Fr. Steiner Verlag, 1996, p. 57-74.

[7] G. Niccolini, FTP, p. 91-92.

[8] Ibid., p. 103.

[9] Ibid., p. 111-115 qui le date de 187.

[10] Ibid., p. 142-151.

[11] Ibid., p. 171-173.

[12] Ibid., p. 424.

[13] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 955-956.

[14] Ibid., 2, p. 956.

[15] G. Niccolini, FTP, p. 272-275 ; Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 495-496 et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 419-420.

[16] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 953-954 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 769-770.

[17] J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 843-844.

[18] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 956-957.

[19] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 494-495.

[20] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 957.

[21] D.S., 15, 51, 1 et Liv., 6, 30, 2.

[22] T. R. S. Broughton, MRR, 1, p. 106-107 qui préfère une modification en Minucius (ou Genucius) et J. Suolahti, The Roman Censors. A Study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1963, p. 184-185, p. 625 et p. 691.