Marcii

Les Marcii sont une lignée plébéienne républicaine. En effet, en dépit des traditions mythologiques sur l’existence d’une branche patricienne — les Marcii Reges — il est certain qu’il s’agit d’une famille purement plébéienne dont le cognomen n’est pas un héritage de l’hypothétique roi Ancus Marcius mais plutôt le rappel de l’exercice de la fonction de roi des sacrifices par M. Marcius, mort en 210 et premier plébéien à occuper cette charge[1]. La figure du patricien Coriolan, inventée, ne modifie aucunement cet état de fait. Wiseman pense même que la figure d’Ancus Marcius aurait été créée de toute pièce au IVe siècle, lorsque les Marcii atteignirent leur apogée politique[2], de la même façon que l’accès de cette famille à l’augurat et au pontificat dès 300 lui permit d’influer sur l’histoire de ses origines. Le gentilice des Marcii, sans doute latin, est un dérivé du prénom Marcus[3] et la famille est originaire du Latium ou du sud de l’Étrurie[4]. Les Marcii sont bien attestés dans l’épigraphie républicaine mais uniquement par des inscriptions tardives qui renseignent mal sur les périodes anciennes de leur histoire. L’impression générale va cependant dans le sens de cette origine latiale suivie d’une dispersion méridionale[5]. À la fin de la République, les Marcii, désormais présents en Campanie[6], essayèrent de se construire une généalogie mythique les faisant descendre des rois Ancus Marcius et Numa Pompilius ou parfois de Marsyas, mais cela n’a aucune valeur historique et ne fait que témoigner de l’importance du rôle politique pris alors par ce lignage[7]. Un bon témoignage de cette présentation est un denier de C. Marcius Censorinus de 88 représentant sur l’avers l’effigie des deux rois légendaires[8]. Sous la République on recense :

  • Marcius Coriolanus (50 et supb. V, 653-660) ;
  • M’. Marcius (17), édile de la plèbe en 440 ;
  • Marcius, peut-être tribun militaire à pouvoirs consulaires en 390 ;
  • Marcius (12), tribun de la plèbe en 389 ;
  • Marcius Rutilus (97), consul en 357, dictateur en 356, consul une deuxième fois en 352, censeur en 351, consul une troisième fois en 344 et une quatrième fois en 342 ;
  • Marcius Rutilus Censorinus (98), tribun de la plèbe en 311, consul en 310, peut-être légat lieutenant en 295, censeur en 294 et 265, pontife et augure à partir de 300 ;
  • Marcius Tremulus (106), consul en 306 et 288 ;
  • Marcius Philippus (78), consul en 281, peut-être préteur en 280, peut-être censeur en 269, maître de cavalerie en 263 ;
  • Marcius (20), rex sacrorum à une date inconnue et mort en 210 ;
  • Marcius Septimius (101), tribun militaire en 211, légat lieutenant en 206[9] ;
  • Marcius Ralla (86), préteur urbain en 204, promagistrat de la flotte en 203 et légat envoyé en 202 ;
  • Marcius Ralla (87), tribun de la plèbe en 196, duumvir aedi dedicandae en 194 et 192[10] ;
  • Marcius (21), tribun militaire en 193 ;
  • Marcius (29), tribun militaire en 193 ;
  • Marcius Philippus (79), préteur en Sicile en 188, consul en 186, légat ambassadeur en 183 et 172, peut-être légat lieutenant en 171, consul pour la seconde fois en 169, proconsul en 168, peut-être légat ambassadeur en 167, censeur en 164, décemvir sacris faciundis à partir de 180 ;
  • Marcius Sermo (102), tribun de la plèbe en 172[11] ;
  • Marcius Scilla (100), tribun de la plèbe en 172[12] ;
  • Marcius Rex (89), légat envoyé en 171 ;
  • Marcius (Philippus) (80), peut-être légat lieutenant en 169 et peut-être légat ambassadeur en 163 ;
  • Marcius Figulus (65), témoin d’un prodige en 169 ;
  • Marcius Figulus (61), préteur de la flotte en 169, consul en 162 puis en 156 ;
  • Marcius Censorinus (46), édile curule en 160, préteur vers 152, consul en 149 et censeur en 147 ;
  • M’. Marcius (18), fils d’un magister des Hermès de Délos du milieu du IIesiècle ;
  • Marcius Libo (70), monétaire vers 145-138 ;
  • Marcius Rex (90), préteur urbain en 144 et promagistrat en 143 pour achever son aqueduc ;
  • Marcius (10), ibère originaire d’Italica et servant Q. Pompée en 142 ;
  • Marcius Figulus (62), préteur vers 130 ;
  • (Marcius) Philippus (82, voir 81), monétaire vers 125-120 ;
  • Marcius Censorinus (45), peut-être tribun de la plèbe en 122 ;
  • Marcius Rex (91), préteur vers 121, consul en 118 et proconsul en 117 ;
  • Marcius (22), monétaire vers 119-110 ;
  • Marcius Sotericus (103), affranchi qui aurait vendu un domaine à l’orateur L. Crassus[13];
  • Marcius Philippus (75), tribun de la plèbe vers 104, peut-être édile, préteur vers 96[14], consul en 91, censeur en 86, légat lieutenant en 82 et augure avant 93[15] ;
  • (Marcius) Philippus (voir 75), monétaire vers 104 ;
  • Marcius (30), monétaire vers 103-102 ;
  • Marcius Censorinus (43), tribun militaire ou préfet de cavalerie en 87, monétaire vers 86, peut-être légat lieutenant en 82 et peut-être proscrit[16] ;
  • (L. Marcius) Censorinus (47, voir 40), monétaire vers 82 et peut-être proscrit à cette date[17] ;
  • Marcius Rex (92), préteur vers 71, consul en 68, proconsul en Cilicie en 67-66 puis en Italie de 66 à 63 ;
  • Marcius Rufus (95, voir 31), légat lieutenant en 71 ;
  • (Marcius) Censorinus (40, voir 47), commandant de flotte dans la guerre contre Mithridate en 70 ;
  • Marcius (31, voir 95), peut-être tribun de la plèbe en 68[18] ;
  • Marcius Libo (69), peut-être praefectus fabrum en 66[19] ;
  • Marcius Figulus (63), préteur vers 67, consul en 64 ;
  • un Marcius (5), envoyé par Catilina avec Cethegus pour tuer Cicéron en 63 ;
  • Marcius Philippus (76), préteur en 62, promagistrat en Syrie en 61-60, consul en 56 et légat envoyé en 43[20] ;
  • (Marcius) Censorinus (41), présent avec Cicéron en Asie en 59 ;
  • Marcius Crispus (52), légat lieutenant en 57-54, préteur en 46, peut-être légat lieutenant ou tribun militaire en Afrique en 46, proconsul de Bithynie et du Pont en 45 puis proconsul en Syrie en 44-43 avant d’être proscrit[21] ;
  • Marcius Philippus (77, voir 74), monétaire vers 56, tribun de la plèbe en 49, peut-être préteur en 44, consul suffect en 38, proconsul d’Espagne en 34-33 et peut-être augure avant 56[22] ;
  • (Marcius) Censorinus (42), peut-être légat lieutenant en 53 ;
  • (Marcius) Rex, occupant des fonctions en Sicile[23];
  • Marcius Rufus (94), questeur en 49 ;
  • un Marcius incertain (6), mentionné dans le camp de Pompée à Dyrrachium en 48 ;
  • (Marcius) Philippus (83), préteur vers 48 et proconsul en 47[24] ;
  • Marcius (32), tribun militaire en 45 ;
  • Marcius (15), chevalier romain, ami de Ligarius et de César vers 44[25] ;
  • Marcius (Rex) (88, voir 7), sénateur pompéien, questeur en Sicile en 46 ou 45 et proscrit en 43[26] ;
  • Marcius Censorinus (48), préteur en 43, proconsul de Macédoine et d’Achaïe en 42-40, consul en 39, quindécemvir sacris faciundis ;
  • (Marcius) Figulus (64), préfet de la marine en 43 ;
  • Marcius, consul suffect en 36 ;
  • un ou plusieurs Marcius d’époque inconnue mais ancienne (2), devin, auteur de prédictions consultées en 212, de praecepta et de carmina Marciana[27] ;
  • Marcius (11), duumvir d’un municipe à la fin de l’époque républicaine ;
  • Marcius (16), duumvir de Fidènes à la fin de l’époque républicaine[28] ;
  • un Q. Marcius (33), questeur en Dalmatie à la fin de l’époque républicaine ;
  • Des Marcii (54), membres d’un collège de Terracine à l’époque républicaine.

Deux éléments plaident en faveur de l’ancienneté de ce lignage : son accès au consulat dès 357, qui l’agrégea à la nobilitas en formation ; et la présence de stirpes solidement attestées et identifiées par des cognomina différenciés au IVe siècle. Une présence à Rome dès le Ve siècle nous paraît donc possible et les Marcii occupant des fonctions plébéiennes au Ve siècle pourraient être authentiques. On peut proposer ces reconstitutions généalogiques :

Marcii 1

Et :

Marcii 2

étant donné la filiation du consul de 357, on peut émettre l’hypothèse que le fameux Caius dont il est petit-fils pourrait être C. Marcius, tribun militaire à pouvoirs consulaires en 390. Les deux stemmata seraient ainsi être reliables mais aucune donnée ne permet de valider ce qui demeure une hypothèse. On trouvera une proposition de reconstitution de la généalogie des Marcii Reges chez Ranouil[29]. Notons, enfin, le lien de parenté possible entre Q. Marcius Tremulus et Q. Marcius Philippus. Nous laissons volontairement de côté la généalogie de la famille à la fin de la République.

Notes

[1] St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 4, Book X, Oxford : Clarendon Press, 2005, p. 118-119.

[2] P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 119-124 et T. P. Wiseman, Unwritten Rome, Exeter : UEP, 2008, p. 315.

[3] BNP, 8, 309 ; W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 188 et p. 466 ; J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 94 et J. Hadas-Lebel, Le Bilinguisme étrusco-latin. Contribution à l’étude de la romanisation de l’étrurie, Louvain : Peeters, 2004, p. 75-76.

[4] J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 157, p. 165 et p. 372 ; L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, The Thirty Five Urban and Rural Tribes, Rome : American Academy in Rome, 1960, p. 232 et J. Suolahti, The Roman Censors. A Study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1963, p. 537-539 et p. 713.

[5] CIL, I2, 660 (= VI, 3825 = 31613 = ILLRP, 375, Rome) ; 709 (= VI, 37045 = ILS, 8888 = ILLRP, 515 = SupplIt Imagines, CIL, VI, 1, Musei Capitolini, 2228, Rome) ; 744 (= VI, 1299 = 31590 = ILS, 5800 = ILLRP, 465a, Rome) ; 906 (= ILLRP, 1021, Rome) ; 923 (= ILLRP, 1039, Rome) ; 925 (= ILLRP, 1041, Rome) ; 1107 (= VI, 8303, Rome) ; 1108 (=VI, 8304, Rome) ; 1367a (= VI, 24627 = ILS, 4420, Rome) ; 2329 (= XV, 5323, Rome) ; 2523 (= ILLRP, 781, Rome) ; 2527b (= ILLRP, 952, Rome) ; 924 (= XI, 6728, 2 = ILLRP, 1040, Faesulae) ; 926 (= XI, 1021 = ILLRP, 1042, près de Parme) ; 956 (= XI, 6673, 5 = ILS, 8646 e = ILLRP, 1155, Figlinae) ; 962 (= XI, 6673 = ILS, 8646 g = ILLRP, 1161, Fidentiam) ; 964 (= XI, 6673, 13 = ILLRP, 1163, ?) ; 1502 (= XIV, 4063 = ILS, 5943 = ILLRP, 481, Fidènes) ; 1555 (= ILLRP, 764, Terracine) ; 1566 (= X, 6125 = ILLRP, 783, Formies) ; 1617 (= X, 1569 = ILS, 3427 = ILLRP, 140, Puteoli) ; 1734 (= IX, 1721 = ILLRP, 815, Bénévent) ; 1818 (= IX, 3911 = ILS, 3818 = ILLRP, 228, Albe) ; 1819 (= IX, 4007, Albe) ; 2172 (= V, 2866, Patavium) ; 2291 (= III, 1820 = ILS, 7166 = ILLRP, 629, Narona) ; 707 (= VIII, 24030, Uthina) ; 775 (= III, 547 = ILS, 4041 = ILLRP, 401, éleusine) ; 747 (, III, 7265 = ILS, 868 = ILLRP, 376, Argos) ; 2241 (= III, 7217 = ILLRP, 747, Délos) et 2251 (= III, 7223 et 7230 = ILLRP, 761, Délos).

[6] Epigrafia e ordine senatorio. Atti del Colloquio Internazionale AIEGL (Roma, 14-20 maggio 1981), Rome : Edizioni di storia e letteratura, 1982, 2, p. 160.

[7] T. P. Wiseman, « Legendary Genealogies in the Late Republic », G&R, 21, 1974, p. 154-164 ; F. Coarelli, Il Foro romano, 2, Periodo repubblicano e Augusteo, Rome : Edizioni Quasar, 2, 1985, p. 115-118 ; M. Humm, Appius Claudius Caecus. La République accomplie, Rome : EFR, 2005, p. 551-552 et St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 3, Book IX, Oxford : Clarendon Press, 2005, p. 421 n. 2 et 4, p. 119.

[8] RRC, 346/1.

[9] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 942-943.

[10] G. Niccolini, FTP, p. 106-107.

[11] Ibid., p. 123.

[12] Ibid., p. 123.

[13] Cic., Balb., 56.

[14] G. Niccolini, FTP, p. 417-418.

[15] J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 732-733.

[16] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 372-373 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 768-769.

[17] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 374.

[18] La date de ce collège est incertaine. Cf. G. Niccolini, FTP, p. 247-250 qui le date de 70 et T. R. S. Broughton, MRR, 1, p. 141 n. 8.

[19] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 942.

[20] M. Cébeillac-Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome : EFR, 1998, p. 11 n. 6, p. 76-77, p. 127 n. 116, p. 217 et p. 250 propose de l’identifier avec Marcius Philippus, duumvir à Herculanum vers la même époque.

[21] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 492-493.

[22] G. Niccolini, FTP, p. 329-335.

[23] Cic., fam., 13, 52.

[24] É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 415-417.

[25] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 941-942.

[26] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 493-494 et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 417-418.

[27] H. Bardon, La Littérature latine inconnue, 1, L’Époque républicaine, Paris : Klincksieck, 1952, p. 20 n. 1 et p. 23 n. 4.

[28] M. Cébeillac-Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome : EFR, 1998, p. 68-69.

[29] P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 123.