Maecilii

Le nom de ce lignage fait difficulté car, si la famille des Maecilii est attestée, les tribuns de la plèbe du début de la République portent un nom proche mais différent : Mecilius. Pour les deux tribuns connus, alors que tous les manuscrits fournissent une leçon en mecilium (Mediceus, Parisiensis, Floriacensis, Sorbonicus, Upsaliensis et Oxoniensis) ou en melicium (tous les autres, c’est-à-dire Bambergensis, Harleianus, Romanus, Dominicanus Laurentianus et Leidensis), les éditeurs du texte, depuis A. Drakenborch, ont préféré rectifier cette leçon en L. Maecilius[1]. C’est le cas de R. S. Conway et de R. M. Ogilvie, mais également de J. Bayet. Ce choix va à l’encontre de la tradition manuscrite qui n’offre jamais une telle leçon. On retrouve le même problème pour le Sp. Maecilius de 416. Pour la première apparition de ce nom, toute la tradition manuscrite symmachienne propose une leçon en mecilius que l’on rétablit en Maecilius depuis Jean Gruter. Pour la seconde apparition, Maecilius est cette fois attesté dans une bonne partie des manuscrits mais le Mediceus maintient Mecilius. Il y a donc là aussi une grave incertitude[2]. Or, cette fois, Münzer et Broughton ne transforment pas le nom. De façon plus surprenante, J. Bayet, dans son édition française du livre IV de l’Ab Vrbe Condita, ne mentionne même pas la correction de Gruter ce qui peut laisser à penser qu’il y unanimité des manuscrits pour la graphie « Maecilius » alors qu’elle l’est en fait pour la graphie « Mecilius ».

Tout cela s’explique parce qu’il n’existe pas de Mecilius connu dans toute l’histoire de la République alors que les Maecilii sont, eux, parfaitement attestés, par exemple avec T. Maecilius Croto, légat en 215[3]. Mecilius est d’ailleurs inconnu de Schulze qui donne en revanche une origine étrusque à Maecilius, tandis que la BNP le fait dériver du prénom Maius[4]. La morphologie historique du latin explique cette évolution. En effet, la diphtongue archaïque ai s’y est transformée en ae et cette dernière, plus tard, évolua en un ē ouvert. La transformation de Maecilius en Mecilius dans des manuscrits médiévaux se comprend donc bien[5]. Broughton sépare pourtant L. Mecilius tribun en 470 de Sp. Maecilius tribun en 416[6]. C’est une erreur car les manuscrits ne justifient pas de les différencier. Soit l’on pense préférable de s’en tenir à l’unanimité des manuscrits et il convient de constater que l’on est en présence d’une famille — et il en existe d’autres — totalement disparue par la suite ; soit on préfère opter pour le rapprochement avec les Maecilii. La seconde possibilité est la plus convaincante et c’est la solution de Niccolini qui identifie les deux noms comme étant les mêmes avec des variantes d’écriture. Selon lui — et selon Pais — ce nom est dérivé d’une localité située près de Lanuvium et de Tusculum dite ad Mecium ou Maecium, d’où est tiré le nom de la tribu Maecia, tout comme Scaptia est dérivé de Scaptius. Si cette origine est exacte, nous sommes en présence d’une famille arrivée très anciennement à Rome, et qui illustre les phénomènes d’immigration interne au Latium[7]. Il existe une attestation épigraphique d’un Maecilius, tardive, dans la région de Capoue[8]. Si elle ne permet pas de préciser l’origine des Maecilii, elle semble cependant plutôt confirmer le choix de cette graphie. Même dans ce cas, cependant, cette gens est peu représentée sous la République :

  • Maecilius (voir Mecilius, 1), tribun de la plèbe en 470 ;
  • Maecilius (1), tribun de la plèbe en 416 pour la quatrième fois ;
  • Maecilius Croto (3), légat lieutenant en 215.

Les autres Maecilii sont d’époque impériale. Quelle que soit la solution retenue, il s’agit à chaque fois d’une famille qui est loin d’avoir occupé un rôle important sous la République. Elle occupa sous Auguste une place qui, sans être décisive, fut plus importante.

Notes

[1] Pour le repérage des variantes des manuscrits, voir Tite-Live, Histoire romaine, livre II, texte ét. par J. Bayet et tr. par G. Baillet, Paris, 1940, p. 88 ; Tite-Livi ab urbe condita, 1, livres I-V, texte ét. par R. M. Ogilvie, Oxford, 1974, p. 146 et L’Annalistique romaine, 2, L’Annalistique moyenne, texte ét. et tr. par M. Chassignet, Paris, 1999, p. 30. Pour l’édition de Drakenborch, voir Titi Livii patavini historiarum ab urbe condita libri, qui supersunt, omnes, cum notis integris, 1, texte ét. et annoté par A. Drakenborch, Stuttgart, 1820, p. 487-488. Notons que l’édition de Weissenborn fait l’impasse sur cette question.

[2] Pour les variantes, voir Tite-Live, Histoire romaine, livre IV, texte ét. par J. Bayet et tr. par G. Baillet, Paris, 1954, p. 77-78 qui est très incomplet et  Tite-Livi ab urbe condita, 1, livres I-V, texte ét. par R. M. Ogilvie, Oxford, 1974, p. 301-302. Là aussi l’édition Weissenborn ne s’arrête pas sur ces questions de noms.

[3] Liv., 23, 31, 6. Deux choses doivent cependant être notées : d’abord, les manuscrits donnent bien ici une leçon en Maecilius ; ensuite, il fut envoyé comme légat par un Ap. Claudius.

[4] RE, XV 1, 17, au nom Mecilius (auteur : Fr. Münzer). Voir aussi BNP, 8, 111 et W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 185 et p. 204. Le nom de Maecilius est, en outre, à l’inverse de Mecilius, attesté par l’épigraphie : CIL, X, 4155 et CIL, XI, 3805. Voir également A. Carnoy, « Étymologie des noms romains d’origine étrusque », Ant. Class., 25, 1956, p. 398 et R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 382.

[5] M. Leumann (éd.), Lateinische Grammatik, 1, Lateinische Laut- und Formenlehre, Munich : C. H. Beck, 1977, p. 67-68 et P. Monteil, Éléments de phonétique et de morphologie du latin, Paris : Fernand Nathan, 1986, p. 108-110.

[6] T. R. S. Broughton, MRR, 1, p. 31 et p. 74.

[7] E. Pais, Ricerche sulla storia e sul diritto pubblico di Roma, Rome : P. Maglione & C. Strini, 3, 1918, p. 119 et G. Niccolini, Il Tribunato della plebe, Milan : U. Hoepli, 1932, p. 38, n. 3.

[8] CIL, I2, 1592 (= X, 4155).