Iunii

Les Iunii forment un grand lignage plébéien attesté dès les Ve et IVe siècles dans les fastes. Ils sont sans doute originaires du Latium, peut-être de Lavinium. En effet, les attestations épigraphiques anciennes sont rares mais celles qui existent vont plutôt en ce sens avec trois attestations du Latium, une d’Ombrie et une du Picenum[1]. Les autres inscriptions connues sont bien plus tardives mais témoignent de la forte implantation romaine de cette famille[2]. Le nom des Iunii, latin, dérive probablement de celui de la déesse Junon[3]. Il en existe un dérivé falisque sous forme de prénom très attesté à Faléries tandis que le latin Iunius n’existe quasi pas comme prénom[4]. Le caractère plébéien des Iunii ne saurait être mis en doute en dépit du supposé L. Iunius Brutus, consul en 509 car ce personnage est une invention de l’annalistique. Évidemment, l’idée d’une possible origine patricienne des Iunii fut l’objet de discussion dès l’Antiquité mais il s’agit d’une reconstruction a posteriori dans le but de doter la lignée d’origines prestigieuses, ce qui eut lieu assez tôt, probablement dès le IVe siècle, au moment où les Iunii accédèrent à des fonctions politiques importantes[5]. Notons que Denys d’Halicarnasse fait même descendre le premier L. Iunius Brutus d’un compagnon d’Énée, ce qui ne repose sur aucune donnée fiable[6]. Sont attestés sous la République :

  • L. Iunius Brutus (46a, supb. V, 356-369), consul en 509 ;
  • L. Iunius Brutus (47), légat envoyé et tribun de la plèbe en 493, édile plébéien en 492 ;
  • T. Iunius Brutus (55), édile de la plèbe en 491 ;
  • Q. Iunius (29), tribun de la plèbe en 439 ;
  • C. Iunius (12), tribun de la plèbe en 423 ;
  • D. Iunius Brutus Scaeva (60), maître de cavalerie en 339, consul en 325 et triumvir coloniae deducendae en 313 ;
  • C. Iunius Bubulcus Brutus (62), consul en 317 puis en 313, dictateur ou maître de cavalerie en 312, consul pour la troisième fois en 311, maître de cavalerie en 310 ou en 309, censeur en 307 et dictateur en 302 ;
  • D. Iunius Brutus Scaeva (61), légat lieutenant en 293 et consul en 292 ;
  • C. Iunius Bubulcus Brutus (56), consul en 291 et 277 ;
  • D. Iunius Pera (124), consul en 266 et censeur en 253 ;
  • D. Iunius Brutus Pera (59), premier à donner des jeux de gladiateurs en 264[7] ;
  • M. Iunius Pera (125), fils du (59) ;
  • L. Iunius Pullus (133), consul en 249 ;
  • M. Iunius Pera (126), consul en 230, censeur en 225 et dictateur en 216 ;
  • P. Iunius (26), peut-être légat ambassadeur en 230 ;
  • M. Iunius Silanus (167), préfet de Naples en 216, préteur en Étrurie en 212, propréteur en 211 puis de 210 à 206 ;
  • D. Iunius (18, voir 45), légat lieutenant ou préfet en 212 ;
  • M. Iunius Pennus (121), édile de la plèbe en 205 et préteur urbain en 201 ;
  • M. Iunius Silanus (168), préfet en 196 ;
  • M. Iunius Brutus (48), tribun de la plèbe en 195, édile plébéien en 193, préteur urbain et pérégrin en 191, légat ambassadeur en 189-188, consul en 178, proconsul en 177 et légat ambassadeur en 172 et 163[8] ;
  • P. Iunius Brutus (54), tribun de la plèbe en 195, édile curule en 192, préteur en Étrurie en 190, propréteur en Étrurie en 189 et en Espagne en 189-188[9] ;
  • D. Iunius Brutus (45, voir 18), triumvir coloniae deducendae en 194 ;
  • C. Iunius (13), voir L. Iunius Pullus (133) ;
  • Iunius, tribun de la plèbe ou préteur après 193[10] ;
  • M. Iunius Pennus (122), préteur en 172, promagistrat en 171 et consul en 167 ;
  • L. Iunius (19), membre de la commission du Sénat pour organiser la Macédoine en 167 ;
  • M. Iunius Brutus (49, voir 22), peut-être édile curule en 146 et peut-être préteur en 140 ;
  • C. Iunius (14), monétaire vers 145-138 ;
  • M. Iunius (22, voir 49), peut-être édile curule en 146, peut-être préteur en 140 ;
  • D. (Iunius) Silanus (160), membre de la commission spéciale chargée de traduire le traité de Magon vers 146 ;
  • D. Iunius Silanus Manlianus (161), préteur en Macédoine en 141 ;
  • D. Iunius Brutus Callaicus (57), préteur vers 141, consul en 138, proconsul en 137-136, peut-être légat lieutenant en 129, augure avant 129 ;
  • M. Iunius (Silanus ?) (22), monétaire vers 137-134 ;
  • M. Iunius Pennus (123), tribun de la plèbe en 126, édile vers 119-118[11] ;
  • M. Iunius Silanus (169), tribun de la plèbe vers 123, préteur en 113 ou 112, consul en 109 et sans doute proconsul en 108[12] ;
  • M. Iunius Silanus (voir 169), monétaire vers 108-107 ;
  • M. Iunius Brutus (50), fils du (49) et attesté à la fin du IIe – début du Ier siècle[13] ;
  • T. Iunius (32), tribun de la plèbe avant 90[14] ;
  • L. Iunius (20), membre du consilium de Cn. Pompeius Strabo en 90 ;
  • L. Iunius (21), membre du consilium de Cn. Pompeius Strabo en 90 ;
  • D. Iunius Silanus (162), monétaire vers 90-89 ;
  • L. Iunius Brutus Damasippus (58, voir 72) peut-être légat lieutenant en 89, légat lieutenant en 83 et préteur urbain en 82[15] ;
  • M. Iunius Brutus (51), préteur en 88 et proscrit en 82[16] ;
  • M. Iunius Silanus (170), questeur en 84, proquesteur en Asie en 83-82, préteur en 77 et proconsul d’Asie en 76[17] ;
  • M. Iunius Brutus (52), tribun de la plèbe en 83 et peut-être légat lieutenant en 77, il fut proscrit par Sylla[18] ;
  • M. Iunius (24), frère de P. Iunius (28)[19] ;
  • M. Iunius (25, voir 23), peut-être légat en 81 et peut-être préteur en 67[20] ;
  • P. Iunius (28), a obtenu l’entretien du temple de Castor et Pollux vers 80[21] ;
  • D. Iunius Brutus (46), préteur vers 80, consul en 77[22] ;
  • C. Iunius (15), édile en 75 et juge questorien en 74 ;
  • C. Iunius (16), fils de C. Iunius (15) ;
  • Iunius (2), jeune garçon au moment du procès de Verrès, fils du (28)[23] ;
  • Q. Iunius (30), sénateur en 70[24] ;
  • D. Iunius Silanus (163), édile vers 70, préteur vers 67, consul en 62, pontife de 76/74 à environ 60 ;
  • P. Iunius (27, voir 2), peut-être préfet de Délos vers 69 ;
  • Iunius Pisciculus (129), chevalier romain d’époque cicéronienne[25] ;
  • M. Iunius Brutus (53), l’assassin de César, monétaire vers 60, questeur en 53, légat lieutenant en 49 et peut-être en 48, propréteur ou légat lieutenant en Gaule cisalpine vers 46-45, préteur urbain et curateur de l’annone en 44, proconsul de Crète en 44, proconsul en 43-42, consul désigné pour 41, pontife vers 51-42[26] ;
  • D. Iunius Brutus Albius (55a supb. V, 369-385), préfet de la marine en 56, préfet en 52, légat lieutenant en 49, peut-être légat propréteur en 48-46, peut-être préteur en 45, proconsul en 44-43 et consul désigné en 42[27] ;
  • Q. Iunius (31), soldat de l’armée de César en 54 ;
  • M. Iunius Silanus (171), légat lieutenant en 53 ;
  • un Iunius Damasippus (72) attesté dans la correspondance de Cicéron pour la fin de la République[28] ;
  • Iunius (3), homme d’affaire dans les années 45 ;
  • Iunius (4), pompéien ;
  • Iunius (5) ;
  • M. Iunius Silanus (172, voir 171), tribun militaire ou légat lieutenant en 43, questeur en 34, proquesteur en 33 ou 32, consul en 25, augure avant 34[29] ;
  • L. Iunius (21a), légat lieutenant sous Sextus Pompée en Sicile entre 42 et 36 ;
  • C. Iunius (21a), légat lieutenant sous Sextus Pompée en Sicile en 38-36.

Il s’agit donc d’une famille très bien représentée (au moins soixante-sept personnes attestés) dont quelques figures féminines sont également connues[30]. Si les Iunii Bruti du début de la République sont à coup sûr anhistoriques, il est en revanche possible que ceux de la fin du Ve siècle soient authentiques et, en tous les cas, ceux du IVe siècle le sont de façon certaine[31]. Un argument qui plaide en faveur d’une présence historique des Iunii dès la fin du Ve siècle est le fait que l’on retrouve déjà plusieurs branches de cette famille au siècle suivant, identifiées par leur cognomina différents. Cette famille s’imposa tôt sur la scène politique républicaine et fut puissante dès la fin du IVe siècle, ce qui explique qu’elle ait pu ainsi si facilement modifier les fastes archaïques en sa faveur. Ce sont surtout les Iunii Bruti qui dominèrent au départ (répartis en plusieurs branches) et, à partir de la fin du IIIe et du début du IIe siècle, apparaissent les Iunii Silani. Il demeure compliqué d’élaborer des reconstitutions généalogiques fiables et, surtout, d’y intégrer C. Iunius et Q. Iunius, tribun de la plèbe en 439 et 423. On peut proposer les solutions suivantes :

Iunii 1

Puis :

Iunii 2

Et :

Iunii 3

Nous nous limitons volontairement à l’époque médio-républicaine d’autant que, pour la fin de la République, ils ont été bien étudiés. On se reportera pour cela à la RE.

Notes

[1] IIIe siècle : CIL, I2, 427 (= XI, 6691, 13, Narnia) et 459 (= XV, 6192 = ILLRP, 1237, Ancone ?). IIIe-IIe siècle : CIL, I2, 179 (= XIV, 3151, Préneste) et 241 (= XIV, 3211 = ILLRP, 867, Préneste). 1ère moitié du IIe siècle : CIL, I2, 178 (= XIV, 3150 = SupplIt Imagines, CIL XIV, Latium uetus praeter Ostiam, 546, Préneste).

[2] CIL, I2, 678 (= X, 3778 = ILS, 3397 = ILLRP, 715, Capoue) ; 709 (= VI, 37045 = ILS, 8888 = ILLRP, 515 = SupplIt Imagines, CIL, VI, 1, Musei Capitolini, 2228, Rome) ; 898 (= ILLRP, 1012, Rome) ; 979 (= VI, 168 = ILLRP, 98, Rome) ; 1078 (= VI, 8274, Rome) ; 1079 (= VI, 8275, Rome) ; 1080 (= VI, 8276, Rome) ; 1081 (= VI, 8277, Rome) ; 1082 (= VI, 8278, Rome) ; 1320 (= VI, 1902, Rome) ; 1321 (= VI, 20758 et 20759, Rome) ; 1367 (= VI, 24627 et 24628 = ILS, 4420 et 4420a, Rome) ; 1389 (= VI, 26848, Rome) ; 2525 (= VI, 38517 = ILLRP, 968, Rome) ; 2663b (= ILLRP, 1027, Rome) et 2349 (= XI, 6691, 12a, Tarquinia). Cf. J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 165, p. 280, p. 284 et p. 366 ; Id., The Roman Censors. A Study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1963, p. 227-229, p. 537-538 et p. 712 et Epigrafia e ordine senatorio. Atti del Colloquio Internazionale AIEGL (Roma, 14-20 maggio 1981), Rome : Edizioni di storia e letteratura, 1982, 2, p. 54.

[3] BNP, 6, 1092 ; W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 470 et J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 97.

[4] G. Giacomelli, La Lingua falisca, Florence : Leo Olschki, 1963, p. 195-196 et CIL, I2, 559 (= XIV, 4104 = SupplIt Imagines, CIL XIV, Latium uetus praeter Ostiam, 787) pour une attestation du prénom Iunius sur un miroir de Préneste datant de la fin IVe-début IIIe siècle.

[5] BNP, 6, 1092 ; A. Alföldi, Early Rome and the Latins, Ann Arbor : UMP, 1963, p. 82-83 ; P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 73-76 et p. 112 et J.-Cl. Richard, Les Origines de la plèbe romaine : essai sur la formation du dualisme patricio-plébéien, Rome : EFR, 1978, p. 474-478 et p. 524.

[6] D.H., 4, 68, 1. Inversement, D.H., 5, 18 insiste sur le caractère plébéien des Iunii postérieurs au fondateur de la République.

[7] G. Ville, La Gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Rome : EFR, 1981, p. 42 n. 100 et p. 46 n. 122.

[8] G. Niccolini, FTP, p. 107-108.

[9] Ibid.

[10] Ibid., p. 400.

[11] G. Niccolini, FTP, p. 156-158 et T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 113.

[12] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 114.

[13] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 918 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 705.

[14] G. Niccolini, FTP, P. 422 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 730.

[15] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 363-364.

[16] Ibid., p. 360-361.

[17] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 114-115.

[18] G. Niccolini, FTP, p. 238-239 ; Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 361-363 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 744-745.

[19] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 917.

[20] J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 788.

[21] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 916-917.

[22] J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 730.

[23] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 917-918.

[24] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 111.

[25] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 918-919.

[26] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 112 et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 413-415.

[27] É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 413.

[28] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 363-364.

[29] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 115 et Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 479-480.

[30] RE, X 1, 1109-1111 n° 189 à 194.

[31] J.-Cl. Richard, Les Origines de la plèbe romaine : essai sur la formation du dualisme patricio-plébéien, Rome : EFR, 1978, p. 477 pense que le premier Iunius Brutus authentique fut le tribun de 439.