Furii

Les Furii sont une famille patricienne très ancienne, vraisemblablement originaire de Tusculum où l’on a retrouvé une tombe familiale de Furii[1]. Cette tombe a fourni une série d’attestations épigraphiques qui confirment cette origine[2]. Deux autres monuments de Tusculum ont également fourni des inscriptions les mentionnant[3]. Toutefois, ce nom est aussi attesté par une série d’autres inscriptions antérieures à la deuxième guerre punique et de provenances différentes : Via Appia[4], le Latium[5], Faléries[6]. L’ensemble n’invalide pas l’origine tusculane qui est probable étant donné ce que nous savons des rapports entre Tusculum et Rome à l’époque alto-républicaine, mais ne permet pas de l’estimer absolument certaine[7]. Le nom de Furius est encore attesté sur un certain nombre d’inscriptions plus tardives mais peu significatives et qui ne modifient pas cette conclusion[8]. L’orthographe du nom a subi une forme de rhotacisme l’ayant modifié, sans doute au IVe siècle. Il se serait à l’origine écrit sous une forme archaïque en fousius/fusius tandis que le nom serait un dérivé de Fusus[9]. Ce pourrait alors être une forme italique d’un nom d’origine étrusque[10]. Tite-Live mentionne d’ailleurs un Sp. Fusius en évoquant ce problème orthographique[11]. Les Furii sont bien attestés sous la République :

  • Sex. Furius (Medullinus ? Fusus ?) (26), consul en 488 et peut-être tribun militaire en 486 ;
  • Sp. Furius Fusus (70, voir 26), consul en 481, peut-être proconsul en 478 ;
  • L. Furius Medullinus (64), consul en 474 ;
  • P. Furius Medullinus Fusus (69), consul en 472, triumuir agris dandis en 467 et légat lieutenant en 464 ;
  • Sp. Furius Medullinus Fusus (71), consul en 464 et consul suffect en 453 ;
  • Q. Furius (Pacilus Fusus ?) (26, voir 76), peut-être grand pontife en 449 ;
  • Agrippa Furius Fusus (59), consul en 446 ;
  • C. Furius Pacilus Fusus (76, voir 24), consul en 441, censeur en 435, tribun militaire à pouvoirs consulaires en 426, pontife ou augure en 449 ;
  • L. Furius Medullinus (65), tribun militaire à pouvoirs consulaires successivement en 432, 425 et 420, peut-être consul en 413 puis en 409 ;
  • L. Furius Medullinus (65), consul en 413 puis en 409, puis tribun militaire à pouvoirs consulaires en 407, 405, 398, 397, 395, 394 et 391 ;
  • C. Furius Pacilus (74), consul en 412 ;
  • M. Furius Fusus (60), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 403, peut-être censeur en 389 et pontife ou peut-être augure à partir de 390 ;
  • M. Furius Camillus (44), censeur en 403, tribun militaire à pouvoirs consulaires en 401, puis en 398, interroi en 396, dictateur en 396, tribun militaire à pouvoirs consulaires pour la troisième fois en 394, interroi en 391, dictateur en 390, interroi en 389 puis dictateur pour la troisième fois la même année, tribun consulaire pour la quatrième, cinquième et sixième fois en 386, 384 et 381, dictateur pour la quatrième puis cinquième fois en 368 et 367 ;
  • Sp. Furius Medullinus (68), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 400 ;
  • Agrippa Furius (Fusus ?) (7), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 391 ;
  • M. Furius, peut-être tribun militaire à pouvoirs consulaires en 389 ;
  • L. Furius Camillus (41), fils de Camille, préfet des camps en 389, consul en 350 et 349, peut-être dictateur en 345 ;
  • L. Furius Medullinus (66), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 381 et 370, puis censeur en 363 ;
  • Sp. Furius (29), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 378 ;
  • Sp. Furius Camillus (48), préteur en 366 ;
  • L. Furius Camillus (42), peut-être dictateur en 345, consul en 338 puis en 325 ;
  • L. Furius (14), préteur en 318 ;
  • L. Furius (15), tribun de la plèbe en 308[12] ;
  • C. Furius Pacilus (75), peut-être édile curule en 253, consul en 251 ;
  • P. Furius Philus (80), préteur vers 224, consul en 223, préteur urbain en 216, censeur en 214 et augure d’une date inconnue jusqu’à 213 ;
  • P. Furius Philus (81), fils du (80), présent dans l’armée à Canne en 216 ;
  • L. Furius Bibaculus (36), préteur avant 219, salien avant 219 ;
  • L. Furius Bibaculus (35), questeur en 216 ;
  • L. Furius Purpurio (86), tribun militaire en 210, préteur en 200, légat envoyé en 199, consul en 196, légat ambassadeur en 190-189 puis en 183 ;
  • M. Furius Crassipes (56, voir 20), légat envoyé en 201, légat lieutenant en 200, triumuir coloniae deducendae en 194-192, préteur en Gaule cisalpine en 187 et préteur en Sicile en 173 ;
  • C. Furius Cresimus (52), affranchi du IIe siècle ;
  • un C. Furius Rufus (88) mentionné sur une inscription de Pergame ;
  • C. Furius Aculeo (31, voir 10), questeur en 190 ;
  • M. Furius Luscus (63), édile plébéien en 187 ;
  • C. Furius (10), duumuir naualis en 178 et légat lieutenant en 170 ;
  • P. Furius Philus (82), préteur en 174 et promagistrat en 173-172 ;
  • L. Furius Philus (77), préteur en Sardaigne en 171, pontife vers 176-170 ;
  • L. Furius (16), monétaire vers 155-150 ;
  • S. Furius (30), monétaire vers 155-133 ;
  • L. Furius Purpurio, monétaire vers 150-133 ;
  • L. Furius Philus (78), préteur vers 139, consul en 136[13] ;
  • L. Furius Purpurio, monétaire vers 137-134 ;
  • M. Furius Philus (79), monétaire vers 110-108 ;
  • P. Furius (22), sanctionné du retrait du cheval public en 102, tribun de la plèbe en 100 et en 99[14] ;
  • N. Furius (21), chevalier romain du début du Ier siècle, ami de Crassus[15] ;
  • M. Furius Bibaculus (37), poète et écrivain du Ier siècle[16] ;
  • P. Furius Crassipes (57, voir 53), édile curule entre 87 et 82 ;
  • P. Furius (23), colon de Sylla en 78 ;
  • L. Furius (18, voir 2, pat. ?), préteur en 75 et légat lieutenant en 73 ;
  • un Furius (3), pirate en 72 ;
  • Furius (4), centurion dans l’armée de Pompée en 63 ;
  • un Cn. Furius Brocchus (38), incertain mais d’époque cicéronienne ;
  • L. Furius Brocchus (39), triumuir monetalis vers 61 ;
  • M. Furius Flaccus (58), chevalier romain chassé en 56 du collège des Mercuriales et des Capitolini[17] ;
  • (Furius) Crassipes (53), questeur en Sicile avant 50 ou officier sous Sextus Pompée ;
  • Furius Crassipes (54), questeur en 51, gendre de Cicéron de 56 à 53[18] ;
  • Furius Tertius (94), membre du consilium de L. Lentulus Crus à éphèse en  49 ;
  • un Furius (6), mentionné chez Valère Maxime comme assassin de Brutus en 43 ;
  • un Furius (11), de date inconnue, tribun de la plèbe ou préteur, à l’origine d’une lex de sponsu[19] ;
  • L. Furius Crassipes (55), préteur à une date incertaine.

Cette rapide présentation illustre l’appartenance au patriciat de la majeure partie de cette lignée, ce qui était déjà la conclusion de Ranouil[20]. Seules trois magistratures purement plébéiennes sont attestées : le tribun de 308, l’édile plébéien de 187 et le tribun de 100-99. Il pourrait s’agir d’une branche plébéienne de cette famille mais elle serait singulièrement maigre. L’hypothèse de clients des Furii patriciens est, dans ce cas, sans doute préférable. En tous les cas, il est impossible de rattacher directement le tribun de la plèbe 308 à la branche patricienne par une quelconque filiation. Par ailleurs, à partir du IIe siècle, l’appartenance patricienne des Furii Aculeones, Brocchi et Crassipedes n’est pas assurée : elle est probable mais non certaine[21]. Les Furii patriciens furent très puissants aux premiers siècles de la République, mais, à partir de la première moitié du IIe siècle, il est possible de lire, au travers des charges exercées, un certain déclin politique. Quant aux Furii plébéiens, ils restèrent tout au long de leur histoire une famille de poids politique modeste.

Notes

[1] J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 154, p. 156-157, p. 195, p. 280 et p. 362 ; L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, The Thirty Five Urban and Rural Tribes, Rome : American Academy in Rome, 1960, p. 217 et p. 301 ; J. Suolahti, The Roman Censors. A Study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1963, p. 155-156, p. 171-172, p. 186-187, p. 196-197, p. 312-315, p. 532-533 et p. 711 ; P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 50 ; M. Humbert, Municipium et civitas sine suffragio. L’organisation de la conquête jusqu’à la guerre sociale, Rome : EFR, 1978, p. 155, n. 10 et p. 329-330 et Epigrafia e ordine senatorio. Atti del Colloquio Internazionale AIEGL (Roma, 14-20 maggio 1981), Rome : Edizioni di storia e letteratura, 1982, 2, p. 54.

[2] IIIe siècle : CIL, I2, 50-57 (= XIV, 2700-2707 = ILS, 7818 = ILLRP, 895-903).

[3] Fin IIIe-début IIe siècles : CIL, I2, 48 (= XIV, 2577 = ILS, 3142 = ILLRP, 100) et 49 (= XIV, 2578 = ILS, 3142 = ILLRP, 221 = SupplIt Imagines, CIL XIV, Latium uetus praeter Ostiam, 319). Cette dernière inscription est peut-être une copie d’un document plus ancien datant du V-IVe siècle.

[4] Époque de la 1ère guerre punique : CIL, I2, 21 (= X, 6838 = ILS, 5801 = ILLRP, 448).

[5] IIIe siècle : CIL, I2, 167 (= XIV, 3139 = ILS, 7819 b).

[6] IIIe siècle ? : CIL, I2, 473 (= XI, 6709, 26).

[7] Voir la notice familiale des Fuluii.

[8] CIL, I2, 665 (= III, 12318 = ILS, 4054 = ILLRP, 213, Samothrace) ; 668 (= III, 7369 = ILLRP, 212, Samothrace) ; 688 (= X, 3785 = ILLRP, 723a, Casapulla) ; 1070 (= VI, 8266, Rome) ; 1071 (= VI, 8267, Rome) ; 1199 (= VI, 8392, Rome) ; 1306 (= VI, 38395, Rome) ; 1307 (= VI, 9202 = ILS, 7823 = ILLRP, 770, Rome) ; 1428 (= ILLRP, 129a, Lanuvium) ; 1443 (= ILS, 6214 = ILLRP, 59, Tusculum) ; 1510 (= X, 6514 = ILS, 3819 = ILLRP, 225, Cora) ; 1515 (= X, 6541, Cora) et 1652a (= IV, 67 = ILS, 6398b = ILLRP, 1132, Pompéi).

[9] E. Babelon, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine vulgairement appelées monnaies consulaires, Paris : Rollin et Feuardent, 1885-1886, 1, p. 516 et M. Humm, Appius Claudius Caecus. La République accomplie, Rome : EFR, 2005, p. 196-197.

[10] Liv., 3, 4, 1 ; Macr., sat., 3, 2, 8 ; Quint., inst., 1, 4, 13 et Varro, Rer. Diu., cité dans Serv., Æn., 4, 219. Voir également, RE, VII 1, 315 (auteur : Fr. Münzer) ; BNP, 5, 614 ; W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 171 ; A. Carnoy, « Étymologie des noms romains d’origine étrusque », Ant. Class., 25, 1956, p. 395 ; J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 103 ; G. Giacomelli, La Lingua falisca, Florence : Leo Olschki, 1963, p. 194 et R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 398.

[11] Liv., 1, 24, 6.

[12] G. Niccolini, FTP, p. 74. Doit-on l’identifier avec le préteur de 318 ? La question reste ouverte, voir St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 3, Book IX, Oxford : Clarendon Press, 2005, p. 548. Cf. sa notice.

[13] J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 688-689.

[14] G. Niccolini, FTP, p. 204-205 et Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 888-890.

[15] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 890-891.

[16] H. Bardon, La Littérature latine inconnue, 1, L’Époque républicaine, Paris : Klincksieck, 1952, p. 347-352 et p. 363-366.

[17] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 891-893.

[18] É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 409.

[19] G. Niccolini, FTP, p. 396-397 et T. R. S. Broughton, MRR, 2, p. 469. Voir aussi G. Rotondi, LPPR, p. 475-477 et M. Elster, Die Gesetze der mittleren römischen Republik. Text und Kommentar, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2003, p. 466-469 n° 225.

[20] P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 118.

[21] Cf. déjà les remarques de Th. Mommsen, Römische Forschungen, Berlin : Weidmann, 1, 1864, p. 115, mais aussi P. Willems, Le Sénat de la République romaine, sa composition et ses attributions, Louvain et Paris : Peeters et A. Durand et Pedone-Lauriel, 1, 1878, p. 361 et p. 520 et G. Bloch, Les Origines du Sénat romain. Recheches sur la formation et la dissolution du Sénat patricien, Paris : Ernest Thorin, 1883, p. 114-115, p. 134 et p. 177-179.