Flauii

Cette lignée plébéienne apparut à Rome au IVe siècle. Ce nom de Flavius semble être un dérivé du cognomen Flavus et est très répandu dans les langues italiques[1]. Toute la question de l’origine de cette famille tourne autour de la personne de Cn. Flavius, le scribe d’Ap. Claudius car on ne connaît avant lui qu’un M. Flavius tribun de la plèbe en 327 et en 323 et parce que le père de ce Cn. Flavius est présenté comme un libertinus[2]. Or, ce mot a longtemps été interprété comme désignant un affranchi ou une personne née d’un esclave affranchi[3]. La question est plus complexe mais, pour être comprise, suppose de revenir sur le sens du mot libertinus[4]. En effet, ce terme ne désigne pas nécessairement d’anciens esclaves affranchis mais aussi des personnes récemment entrées dans la citoyenneté romaine. Dès lors, il est en fait tout à fait probable que le père de Cn. Flavius fût une personne ayant récemment acquis la citoyenneté romaine. Avec lui, l’on se trouve donc en face d’une famille non-romaine dont on peut situer l’arrivée dans l’Vrbs au milieu du IVe siècle. Cet état de fait correspondrait tout à fait à l’origine prénestine de Q. Anicius, élu édile en même temps que Cn. Flavius en 304. Ce dernier pourrait provenir d’Italie méridionale ou de Sabine et le prénom parfois mentionné de son père (Annius) étant d’origine latine ou osque ajoute un élément en ce sens. L’on possède en outre une attestation épigraphique de ce nom sur une inscription présamnite de Nola d’environ 450-400, sous la forme Cnaives Flaviies, inscription dont H. Rix a longtemps pensé qu’elle était étrusque avant de la rattacher au domaine italique[5]. Enfin, l’épigraphie latine apporte d’autres renseignements. Les inscriptions les plus anciennes (IIIe-IIe siècles) pointent vers le Latium et, une fois encore, l’Italie méridionale avec une certaine récurrence de Préneste[6]. Les autres inscriptions, plus tardives n’ajoutent rien si ce n’est la présence de Flauii à Préneste à la fin de la République puisqu’un C. Flavius est alors duouir quinquennalis[7]. L’ensemble va plutôt dans le sens d’une confirmation de l’origine méridionale de cette famille plébéienne. Sous la République, les Flauii attestés sont :

  • M. Flavius (19, voir 21), tribun de la plèbe en 327 et 323 ;
  • Cn. Flavius (15), peut-être triumvir nocturnus avant 305, triumvir coloniae deducendae avant 305, peut-être tribun de la plèbe en 305, et édile curule en 304 ;
  • Flavius Flaccus (90), sénateur qui avertit Ti. Gracchus qu’on voulait l’assassiner ;
  • C. Flavius Fimbria (87), préteur vers 107, consul en 104 et sans doute proconsul plus tard[8] ;
  • C. Flavius Pusio (158), chevalier romain et un des chefs de l’ordre équestre qui refusa le projet de loi judiciaire de M. Livius Drusus[9] ;
  • Flavius (2), professeur à Venusia ;
  • C. Flavius Fimbria (88), légat envoyé en 87, préfet de cavalerie (ou tribun militaire) en 87 et légat lieutenant en 86-85[10] ;
  • Flavius Fimbria (86), légat lieutenant de Norbanus en 82 ;
  • C. Flavius (10), duouir quinquennalis à Préneste vers 80[11] ;
  • Q. Flavius de Tarquinia (22), d’époque syllanienne ;
  • L. Flavius (16), chevalier romain qui témoigna contre Verrès vers 73-71[12] ;
  • L. Flavius (17), tribun de la plèbe en 60, préteur en 58 et peut-être sénateur en 44[13] ;
  • M. Flavius (20), scribe de César l’ayant aidé pour sa réforme du calendrier en 46 ;
  • C. Flavius (12), chevalier pompéien, qui passa ensuite dans le camp de César vers 45[14] ;
  • C. Flavius (12), chevalier romain assassiné au Ier siècle[15] ;
  • C. Flavius Hemicillus (11), chevalier et ami de Brutus mentionné par Cicéron en 44, légat propréteur en 43-42[16] ;
  • C. Flavius (13), peut-être sénateur, présent en 40 à Pérouse où il est assassiné[17] ;
  • Flavius Gallus (94), peut-être tribun militaire en 36 ;
  • L. Flavius (18), consul suffect en 33 ;
  • P. F(lavius ?) Silva (180), gouverneur de Sicile avant 27[18] ;

Sous l’Empire, les descendants de cette famille sont particulièrement bien représentés, au-delà même de la dynastie des Flaviens. Sous la République, on doit cependant constater une éclipse importante de presque deux siècles entre l’action de Cn. Flavius — qui n’a pu que lui attirer de solides inimitiés — et le sénateur Flavius Flaccus. Si l’on cherche par ailleurs à dresser des généalogies de cette famille on se retrouve d’abord face au problème d’un éventuel rapport entre le tribun de 327 puis 323 et le scribe d’Ap. Claudius[19]. En l’absence d’éléments, on peut uniquement affirmer que des liens de parenté sont possibles mais aucunement assurés. Pour les Flauii chevaliers de la fin de la République, dresser un arbre généalogique est plus compliqué même s’ils sont indéniablement parents[20].

Notes

[1] BNP, 5, 457 ; W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 167-168 qui propose une origine étrusque ou latine ; J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 106 ; G. Giacomelli, La Lingua falisca, Florence : Leo Olschki, 1963, p. 193 et J. Hadas-Lebel, Le Bilinguisme étrusco-latin. Contribution à l’étude de la romanisation de l’étrurie, Louvain : Peeters, 2004, p. 245-246.

[2] Présentation des sources dans St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 3, Book IX, Oxford : Clarendon Press, 2005, p. 600-607 et dans la notice de Cn. Flavius.

[3] Encore très récemment, St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 3, Book IX, Oxford : Clarendon Press, 2005, p. 607-608 ne semble pas remettre en cause cette interprétation du mot libertinus et n’estime pas nécessaire d’inclure dans sa bibliographie les travaux de J. Cels-Saint-Hilaire sur le sujet.

[4] J. Cels-Saint-Hilaire, La République des Tribus : du droit de vote et de ses enjeux aux débuts de la République Romaine (495-300 av. J.-C.), Toulouse : PUM, 1995, p. 267-273 et Ead., « Le sens du mot libertinus, i : quelques réflexions », Latomus, 61, 2, avril-juin 2002, p. 285-294. Voir également M. Humm, Appius Claudius Caecus. La République accomplie, Rome : EFR, 2005, p. 124, p. 223-224, p. 247, p. 441-444 qui reprend les analyses de J. Cels-Saint-Hilaire.

[5] Imag. Ital., 2, p. 880-881, Nola 11 (= H. Rix, ET, Cm 2. 61 et H. Rix, ST, p. 71 Ps 14). Voir E. Babelon, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine vulgairement appelées monnaies consulaires, Paris : Rollin et Feuardent, 1885-1886, 1, p. 497 ; J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 283 et Id., The Roman Censors. A Study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1963, p. 710 pour l’origine sabine, mais aussi Fr.-H. Massa-Pairault, « Relations d’Appius Claudius Caecus avec l’étrurie et la Campanie », dans D. Briquel et J.-P. Thuillier (éd.), Le Censeur et les Samnites. Sur Tite-Live, livre IX, Paris, 2001, p. 97-116.

[6] CIL, I2, 164 et 165 (= XIV, 3136 et 3137, Préneste) ; 387 (= IX, 3848 = ILLRP, 285, Trasacco) et 2461 (Préneste).

[7] CIL, I2, 679 (= X, 3870 = ILS, 3341 = ILLRP, 716, Capoue) ; 753 (= V, 4087 = ILLRP, 200, Sabbioneta) ; 779 (= XII, 5388 = ILLRP, 766, Toulouse) ; 1065 (= VI, 8262, Rome) ; 1464 (= XIV, 2980 = ILS, 6248 = ILLRP, 658 = SupplIt Imagines, CIL XIV, Latium uetus praeter Ostiam, 697, Préneste) et 2543 (Castel di Sangro). Cf. M. Cébeillac-Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome : EFR, 1998, p. 70-71, p. 82 n. 38, p. 84 n. 45 et p. 181.

[8] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 92 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 704-704.

[9] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 879.

[10] Pour sa carrière un peu complexe, cf. T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 92.

[11] M. Cébeillac-Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome : EFR, 1998, p. 70-71, p. 82 n. 38, p. 84 n. 45 et p. 181.

[12] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 882, et p. 881 pour des problèmes d’identification entre les n° 11 et n° 16 de la RE.

[13] G. Niccolini, FTP, p. 277-279 ; T. R. S. Broughton, MRR, 2, p. 491 et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 500-501.

[14] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 879.

[15] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 91 et Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 881 avec les raisons de ses différences par rapport à la RE.

[16] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 880-881 ; Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 469 et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 499-500.

[17] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 92.

[18] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 92.

[19] Une hypothèse de L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, The Thirty Five Urban and Rural Tribes, Rome : American Academy in Rome, 1960, p. 214 fait de la Pollia la tribu du tribun M. Flavius.

[20] On se reportera de toutes les façons à Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 879-882 avec les discussions et la bibliographie.