Decii

Les Decii sont une lignée plébéienne de nom osque attestée par l’épigraphie méridionale aussi bien sous la forme d’un prénom que d’un gentilice, et ce par toute une série d’inscription dont certaines remontent aux IIIe-IIe siècles[1], tandis que les autres sont plus tardives[2] ou encore de datation inconnue[3]. Elle est donc sans doute originaire de Campanie ou d’Italie du sud d’où elle se serait rendue à Rome, mais cette provenance est contestée au profit notamment d’une origine Sabine, moins convaincante selon nous[4]. L’épigraphie romaine n’apporte pas d’éléments pouvant éclairer cette question[5]. Il s’agit d’une importante lignée, qui s’est maintenue tout au long de l’histoire de la République même si elle compte moins de représentants que d’autres grandes familles plébéiennes :

  • M. Decius (7), légat envoyé en 493 et tribun de la plèbe en 491 ;
  • L. Decius, tribun de la plèbe en 415 ;
  • P. Decius Mus (15), quinqueuir mensarius en 352, tribun militaire en 343 et consul en 340 ;
  • P. Decius Mus (16), consul en 312, légat lieutenant en 310, consul pour la deuxième fois en 308, maître de cavalerie en 306, censeur en 304, consul pour la troisième fois en 297, proconsul en 296, consul pour la quatrième fois en 295 et pontife de 300 à 295 ;
  • M. Decius (8), tribun de la plèbe en 311 ;
  • un Decius Vibellius, commandant une armée à Rhegium dans les années 280[6] ;
  • P. Decius Mus (17), consul en 279, peut-être consul suffect en 265 ;
  • P. Decius Subolo (20), triumvir colonis deducendis en 169, envoyé en 168 ;
  • P. Decius (9), tribun de la plèbe en 120, préteur en 115[7] ;
  • un Decius Magius, notable de Capoue au Ier siècle[8] ;
  • P. Decius (10), peut-être légat lieutenant en 43, tribun de la plèbe après 52 mais avant 44[9] ;
  • Decius (1), sénateur en 43 et proscrit[10].

L’apogée de cette famille se situe donc clairement aux IVe et IIIe siècles avec les différents P. Decius Mus qui en fondèrent la légende[11]. Si on suit les analyses de J. Heurgon, qui ont montré que les Decii arrivèrent à Rome précisément au IVe siècle, cela rend hautement improbable l’existence des deux tribuns de la plèbe antérieurs. À l’inverse, si l’on opte pour une origine sabine de cette famille, la discussion demeure ouverte. Dans les deux cas, le tribun de la plèbe de 311 est le seul dont l’authenticité ne fait guère de doute. Cette famille perdit ensuite en importance à la fin de la République mais subsista jusque sous l’Empire. On peut proposer une reconstitution généalogique pour la famille de P. Decius Mus. Seul le cas du tribun de 311 pose problème : on peut émettre l’hypothèse d’un lien de parenté avec ces Decii mais aucun élément ne permet de l’affirmer[12]. Cela donne le stemma suivant :

Decii

Pour la famille de P. Decius Subolo, on peut suivre les suggestions de Badian. Notons que le tribun de 120 avait un fils naturel, adopté par un Appuleius sans doute proche de Saturninus : C. Appuleius Decianus. Cette adoption témoigne d’une relation d’alliance entre ces familles.

[1] 300-250 : Imag. Ital., 1, p. 423-425 Capua 24 (= H. Rix, ST, p. 100 Cp 33-34) et Imag. Ital., 1, p. 432-433 Capua 28 (= H. Rix, ST, p. 99 Cp 27). 300-200 : Imag. Ital., 3, p. 1410 Potentia 29. Environ 200 ? : Imag. Ital., 1, p. 557 Teanum Sidicinum 23 (= H. Rix, ST, p. 95 Si 10). Avant 180 : Imag. Ital., 1, p. 493-494 Cumae 3 (= H. Rix, ST, p. 115 Cm 5). 200-150 : Imag. Ital., 1, p. 504-506 Cumae 8 (= H. Rix, ST, p. 117 Cm 14).

[2] 200-100 : Imag. Ital., 2, p. 995 Bovianum 7 (= H. Rix, ST, p. 89 tSa 22). 150-100 : Imag. Ital., 2, p. 766-767 Pompei 99 (= H. Rix, ST, p. 112 tPo 19) et Imag. Ital., 2, p. 818 Pompei 129 (= H. Rix, ST, p. 113 tPo 36). 125-100 : Imag. Ital., 2, p. 1237-1238 Aufidena 2 (= H. Rix, ST, p. 84 Sa 18). Ier siècle : Imag. Ital., 1, p. 81 Italia 7 (= H. Rix, ST, p. 131 Lu 54).

[3] Cf. Imag. Ital., 2, p. 886 Nola 15 ; Imag. Ital., 2, p. 1082 Bovianum 86 ; Imag. Ital., 2, p. 1083 Bovianum 87 et Imag. Ital., 2, p. 1136-1137 Saepinum 4 (= H. Rix, ST, p. 85 Sa 59). Sinon, cf. W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 423 et p. 519 (surtout la n. 5) ; J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 99 ; M. Lejeune, L’Anthroponymie osque, Paris : Les Belles Lettres, 1976, p. 109 et p. 141 et O. Salomies, Die römischen Vornamen. Studien zur römischen Namengebung, Helsinki : Societas Scientiarum Fennica, 1987, p. 101.

[4] Sur les Decii, voir BNP, 4, 152 ; J. Heurgon, Recherches sur l’histoire, la religion et la civilisation de Capoue préromaine des origines à la deuxième guerre punique, Rome : EFR, 1942, p. 275-277 et p. 286 et R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 609 avec la bibliographie, qui représentent la vision classique de l’origine méridionale. Contra, J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 112, p. 155 et p. 358 ; Id., The Roman Censors. A Study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1963, p. 232-235 et p. 709 ; E. T. Salmon, Samnium and the Samnites, Cambridge : CUP, 1967, p. 54, p. 198, n. 1 et St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 2, Books VII-VIII, Oxford : Clarendon Press, 1998, p. 211, p. 503 n. 1, p. 557 et 4, p. 572 penchent pour une origine sabine.

[5] CIL, I2, 753 (= V, 4087 = ILLRP, 200, Betriacum) et 1839 (= IX, 4718, Reate).

[6] J. Heurgon, Recherches sur l’histoire, la religion et la civilisation de Capoue préromaine des origines à la deuxième guerre punique, Rome : EFR, 1942, p. 93, p. 204-207 et p. 276.

[7] G. Niccolini, FTP, p. 173-174. Ce P. Decius serait le fils de P. Decius Subulo, triumvir en 169 d’après E. Badian, « P. Decius P. f. Subulo. An Orator of the time of the Gracchi », JRS, 46, 1956, p. 91-96, suivi par T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 81 et BNP, 4, p. 152-153.

[8] Vell., 2, 16.

[9] G. Niccolini, FTP, p. 439.

[10] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 463.

[11] Ch. Guittard, « Naissance et développement d’une légende. Les Decii », dans D. Porte et J.-P. Néraudau (éd.), Hommages à Henri Le Bonniec. Res sacrae, Bruxelles, 1988, p. 256-266.

[12] St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 3, Book IX, Oxford : Clarendon Press, 2005, p. 396.