Atilii

Les Atilii sont une vieille famille plébéienne dont le nom paraît latin et est probablement un dérivé du prénom Attius[1]. Ils pourraient être originaire de Campanie, peut-être de Calatia[2], même si Denys d’Halicarnasse mentionne un M. Atilius chargé de la garde des livres sibyllins sous le règne de Tarquin le Superbe[3]. En effet, la famille est bien représentée dans les inscriptions républicaines et on la retrouve sur des inscriptions du IIIe siècle : trois inscriptions du Latium faisant référence à deux Atilia et à un Atilius[4], une tessère d’hospitalité[5] et un certain nombre d’autres provenant de Calès, ce qui est évidemment moins significatif puisque Calès devint colonie romaine dès 334[6]. Les inscriptions les plus nombreuses sont toutefois tardives et proviennent de Campanie et d’Italie méridionale[7]. Les Atilii sont également mentionnés sur des inscriptions tardives de Rome[8] et de Vicetia[9]. Nous avons aussi trace d’une Cesula Atilia sur un cippe de Pisaurum dédié à Diane[10]. Si le reste du dossier épigraphique va dans le sens de l’origine méridionale, son caractère tardif le rend toutefois bien incertain. Les seules inscriptions antérieures à la deuxième guerre punique sont celles de Calès et du Latium. Sur cette base, l’origine campanienne des Atilii a été contestée au profit d’une origine latiale[11].

L’origine méridionale a cependant été défendue en détail par J. Heurgon dans sa thèse sur Capoue. Selon lui, contrairement à la légende dont ils se dotèrent, les membres de cette gens n’étaient pas de vieille souche romaine. Les Atilii furent en réalité intimement mêlés aux affaires campaniennes et arrivèrent à Rome sans doute dans la seconde moitié du IVe siècle, au moment de l’annexion de la Campanie. Le premier Atilius historiquement certain serait donc le consul de 335[12]. On notera par ailleurs que les rares tribus connues de membres de cette famille sont la Pupinia, l’Æmilia et peut-être la Cornelia, ce qui s’accorderait à une origine géographique méridionale[13], laissant le dossier sur l’origo de cette famille encore ouvert par manque d’éléments décisifs. Il s’agit également d’une lignée qui comptait des liens assez forts avec la gens Fabia. Les Atilii furent nombreux à l’époque républicaine :

  • L. Atilius Luscus (41), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 444 ;
  • L. Atilius Priscus (46), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 399 et 396 ;
  • M. Atilius (18), un des nobles restés dans Rome pendant l’invasion gauloise[14] ;
  • M. Atilius Regulus Calenus (49), consul en 335 ;
  • L. Atilius (12), tribun de la plèbe en 311 ;
  • Atilius Calatinus (35), gendre d’un Q. Fabius Maximus[15] ;
  • M. Atilius Regulus (50, voir 19), consul en 294 et préteur en 293 ;
  • M. Atilius Regulus (51), consul en 267, consul suffect en 256 et peut-être proconsul en Afrique en 255 ;
  • Atilius Calatinus (36), consul en 258 et 254, préteur en 257, dictateur en 249 et censeur en 247 ;
  • Atilius Regulus (47), consul en 257 et 250 ;
  • Atilius Bulbus (33), consul en 245 et 235 puis censeur en 234 ;
  • M. Atilius Regulus (52), consul en 227, consul suffect en 217, proconsul en 216 ; triumvir mensarii en 216 et censeur en 214 ;
  • Atilius Regulus (48), consul en 225 ;
  • Atilius Serranus (62), préteur urbain en 218, augure avant 217 ;
  • Atilius (11), duumuir aedi dedicandae en 216 ;
  • M. Atilius (20, voir 53), duumuir aedi dedicandae en 216 ;
  • L. Atilius (13), questeur en 216 ;
  • L. Atilius (14), préfet de Locres en 215 ;
  • M. Atilius Regulus (53, voir 20), préteur en 213, légat lieutenant en 211, légat ambassadeur en 210 ;
  • L. Atilius (15), tribun de la plèbe en 210[16] ;
  • un C. Atilius Saranus[17].
  • L. Atilius (16), préteur en Sardaigne en 197 ;
  • Atilius Serranus (60, voir 21), édile curule en 194, préteur en 192, préfet en 191, préteur urbain en 173 promagistrat à Brundisium en 172 et légat ambassadeur la même année, légat lieutenant en 171 et consul en 170 ;
  • M. Atilius Serranus (68), triumvir pour la déduction de colonie en 190-189, préteur en Sardaigne en 174 et promagistrat en 173 ;
  • Atilius Serranus (63), préteur en 185 ;
  • L. Atilius, légat lieutenant en 168 ;
  • M. Atilius (Serranus ?) (22, voir 67), préteur en 152 et peut-être légat lieutenant en 147 ;
  • Atilius ?, monétaire vers 150-133 ;
  • Sex. Atilius Serranus (69), peut-être légat lieutenant en 147, préteur vers 139, consul en 136, proconsul en Gaule cisalpine en 135 ;
  • Atilius ? Saranus (57), monétaire vers 145-137 ;
  • M. Atilius Serranus (67), monétaire vers 145-137 ;
  • L. Atilius Nomentanus (44), monétaire vers 135-127 puis légat lieutenant ou préfet en Asie en 120 ;
  • Atilius Serranus (64), préteur vers 109 et consul en 106 ;
  • P. Atilius, préteur urbain à la fin du IIe siècle ;
  • M. Atilius Bulbus (34), sénateur en 74 ;
  • Atilius (10) et son fils L. Atilius (17) mentionnés par Cicéron[18] ;
  • P. Atilius (23), légat lieutenant propréteur en 67 ;
  • Sex. Atilius Serranus Gavianus (70), questeur en 63 et tribun de la plèbe en 57[19] ;
  • un Atilius chevalier vers 50 et proscrit en 43[20] ;
  • Atilius Glabrio, chevalier avant 40[21] ;
  • un Atilius (6) victime des proscriptions du second triumvirat[22] ;
  • un Atilius (5) ami de Brutus mentionné par Plutarque[23] ;
  • un Atilius (4) avec lequel Cicéron fut en affaire[24] ;
  • un Atilius poète et auteur de pièces de théâtre[25] ;
  • un P. Atilius qui apparaît chez Pomponius parmi les plus anciens juristes romains[26] ;
  • P. Atilius Philiscus, affranchi d’époque républicaine[27] ;
  • P. Atilius, questeur en Sicile à une date incertaine.

C’est donc une famille bien représentée, dont l’apogée se situe aux IIIe et IIe siècles, le Ier siècle correspondant à une phase de déclin. On doit également considérer que tous les Atilii antérieurs à 335 sont très probablement des inventions. Par ailleurs, dès le IVe siècle, la famille se présente divisée en différentes branches. On peut proposer les reconstitutions hypothétiques suivantes. Pour les Atilii Reguli :

Atilii 1

Et :

Atilii 2

Il faut séparer cette branche en deux stemmata du fait du consul de 267 dont les fastes indiquent qu’il eut un grand-père nommé Lucius. Il ne peut donc être frère du consul de 257 ni descendre directement du consul de 294. Il est peu probable que le tribun de 311, sans doute membre d’une stirps moins prestigieuse, ait appartenu à cette branche. Les Atilii Calatini sont moins attestés mais il est intéressant de rappeler leurs liens matrimoniaux avec les Fabii. Les Atilii Serrani forment à l’évidence une branche étoffée de la famille mais il est délicat d’en proposer une reconstruction généalogique. On pourra remarquer que, si aux IVe et IIIe siècles, ce sont les Atilii Reguli qui dominaient, il s’effacèrent au profit des Atilii Serrani durant le IIe siècle. Enfin, l’ensemble des différentes branches perdit en importance aux derniers siècles de la République. La famille s’implanta donc à Rome au IVe siècle, y joua un rôle politique majeur durant deux siècles (les IIIe et IIe siècles, notamment pendant les guerres puniques), puis perdit progressivement de son importance.

Notes

[1] W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 150 n. 3 et p. 440 ; J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 117 ; A. Carnoy, « Étymologie des noms romains d’origine étrusque », Ant. Class., 25, 1956, p. 390 et R. E. A. Palmer, The Archaic Community of the Romans, Cambridge : CUP, 1970, p. 237.

[2] BNP, 2, 287 ; J. Suolahti, The Junior Officers of the Roman Army in the Republican Period. A study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1955, p. 281 et p. 346 ; Id., The Roman Censors. A Study on Social Structure, Helsinki : Weilin & Göös, 1963, p. 276-280, p. 537, p. 707 et Epigrafia e ordine senatorio. Atti del Colloquio Internazionale AIEGL (Roma, 14-20 maggio 1981), Rome : Edizioni di storia e letteratura, 2, 1982, p. 63 (qui mentionne aussi Calès et Nuceria).

[3] D.H., 4, 62, 4.

[4] CIL, I2, 89 ; 90 et add. p. 869 (= XIV, 3067 et 3068 = Cippi prenestini, p. 70, 14, 1 et 14, 2) et Cippi prenestini, p. 71, 14, 3.

[5] CIL, I2, 23 (= ILLRP, 1064 = L. Del Tutto Palma, Le Iscrizioni della Lucania preromana, Padoue : Unipress, 1990, p. 162-163 Vi. 1, datant peut-être de la seconde moitié du IIIe siècle).

[6] CIL, I2, 405a à k et add. p. 720 (= X, 8054 1a à 1i = ILLRP, 1207 et 1208, Calès) ; 417 (Calès) ; CIL, X, 8054 1p (Calès) ; R. Pagenstecher, Die calenische Reliefkeramik, Berlin : G. Reimer, 1909, p. 45 n° 42b (Calès) et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 457-458.

[7] CIL, I2, 677 (= X, 3779 = ILS, 3340 = ILLRP, 714, Capoue) ; 678 (= X, 3778 = ILS, 3397 = ILLRP, 715, Capoue) ; 688 (= X, 3785 = ILLRP, 723a, Casapulla) ; 825 (= X, 8236 = ILS, 5742 = ILLRP, 340, Caiatia) ; 1759 (= IX, 2802 = ILS, 5896 = ILLRP, 552, Castel di Sangro) ; 2550 (= XI, 7612, Caere) ; 2551 (= XI, 7597 = ILLRP, 838, Caere) et 2552 (= XI, 7701, Caere). Cf. aussi CIL, I2, app. 122, 140 et 261.

[8] CIL, I2, 1212 (= VI, 9545 = ILS, 7602 = ILLRP, 797).

[9] CIL, I2, 636 (= V, 2490 = ILLRP, 477), mais cette inscription célèbre l’action du proconsul de 136 dans la région et importe donc peu quant à l’origine de la famille.

[10] CIL, I2, 376 (= XI, 6298 = ILS, 2978 = ILLRP, 21). Sur la datation de ces cippes, voir E. Peruzzi, I Romani di Pesaro e i Sabini di Roma, Florence : L. Olschki, 1990, p. 25-37. Ils ne sont pas antérieurs à 184, date de fondation de la colonie.

[11] Voir St. P. Oakley, A Commentary on Livy, Books VI-X, 2, Books VII-VIII, Oxford : Clarendon Press, 1998, p. 557 et p. 583

[12] J. Heurgon, Recherches sur l’histoire, la religion et la civilisation de Capoue préromaine des origines à la deuxième guerre punique, Rome : EFR, 1942, p. 285-294 et P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 109-112. Voir aussi M. Cébeillac-Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome : EFR, 1998, p. 218 n. 30.

[13] L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, The Thirty Five Urban and Rural Tribes, Rome : American Academy in Rome, 1960, p. 180 n. 3 et p. 194-195 avec les doutes de l’auteur.

[14] Val. Max., 3, 2, 7.

[15] Val. Max., 8, 1, 9 et RE, II 2, 2079 (auteur : E. Klebs) pour une discussion sur l’identité du personnage qui est sans doute Q. Fabius Maximus Rullianus.

[16] G. Niccolini, FTP, p. 96-98.

[17] C’est peut-être lui qui est mentionné sur l’inscription CIL, I2, n° 23.

[18] Nous ne savons quasi rien d’eux, voir Cic., pro Caec., 27.

[19] G. Niccolini, FTP, p. 298-303.

[20] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 788 et Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 433-434.

[21] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 789.

[22] App., BC, 4, 46 et Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 433-434.

[23] Plut., Brut., 39.

[24] Cic., fam., 13, 62 et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome : EFR, 1993, p. 457-458.

[25] Cic., Att., XIV, 20, 3 et H. Bardon, La Littérature latine inconnue, 1, L’Époque républicaine, Paris : Klincksieck, 1952 , p. 38.

[26] D., 1, 2, 2, 38.

[27] Val. Max., 6, 1, 6.