Antistii

Cette famille plébéienne, attestée dès la fin du Ve siècle, porte un nom à l’origine difficilement déterminable mais vient probablement de Gabii[1]. Nous connaissons cependant un Antistius — colonus — explicitement originaire de Pyrgi dont Nicolet faisait la preuve de l’origine pyrgienne des Antistii et non d’une ancienne origine étrusque[2]. Une forme archaïque du nom fut peut-être Antestius, attestée par l’épigraphie à Tibur[3] mais, surtout, par une Antestia Bosta mentionnée sur une inscription de Préneste datant des IIIe-IIe siècle[4]. En dépit de l’opinion de Cl. Nicolet, cette famille semble donc bien avoir eu une origine liée aux cités de Gabii et de Préneste. Leur parcours serait ainsi proche de celui des Oppii.

Pourtant, A. Franchi De Bellis estime que la lignée ne provenait pas de cette région sur la base d’une inscription mentionnant un L. Antistius de la tribu Æmilia[5]. Il s’agit toutefois d’une inscription impériale (Ier siècle après J.-C.) alors que, pour l’époque républicaine, Ross Taylor cite des attestations de sénateurs de la tribu Menenia, située dans une région qui s’accorderait bien avec une origine latiale ou prénestine. Notons également l’hypothèse de Reichmuth qui invite à voir dans ce nom un dérivé d’un mot signifiant « chef de temple », à la manière des noms Flaminius et Pontificius[6]. Cette étymologie pourrait se comprendre si, effectivement, le nom s’est formé sur la racine hanth (« en avant ») mais demeure très discutable[7]. S’ils n’occupèrent jamais les plus hautes fonctions politiques, les Antistii restèrent présents de manière à peu près constante tout au long de la République au travers de nombreux personnages et ce dès le IVe siècle au moins. Sont en effet attestés comme ayant occupé des fonctions publiques :

  • Ti. Antistius (21), tribun de la plèbe en 422[8] ;
  • A. Antistius, tribun de la plèbe en 420[9] ;
  • L. Antistius (11), tribun militaire à pouvoirs consulaires en 379[10] ;
  • M. Antistius (16), tribun de la plèbe en 319[11] ;
  • M. Antistius (15), légat envoyé en 218 ;
  • L. Antistius, légat envoyé en 215 ;
  • Sex. Antistius (20), légat ambassadeur en 208 ;
  • M. Antistius Pyrgensis (17), auquel le censeur enleva son cheval en 179[12] ;
  • Antistius (10), monétaire vers 137-134 ;
  • L ? Antistius Gragulus (33), monétaire vers 135-127 ;
  • Deux L. Antistius, sénateurs en 129 ;
  • L. (Antistius ?) Reginus, tribun de la plèbe en 103[13] ;
  • L. Antistius (12), accusateur de T. Matrinius en 95[14] ;
  • P. Antistius (18), tribun de la plèbe en 88, édile en 86 et iudex quaestionis en 85[15] ;
  • L. Antistius (1), chevalier, proscrit et tué fin 82[16] ;
  • Antistius (9), magister de la societas scripturae de Sicile en 71[17] ;
  • C ( ?) Antistius Vetus (46), préteur en 70 et propréteur en 69-68 ;
  • L. Antistius (13), tribun de la plèbe en 58[18] ;
  • Antistius Vetus (45), tribun de la plèbe en 56[19] ;
  • un Antistius (3), mentionné par Appien pendant la guerre civile ;
  • C. Antistius Reginus (39), légat lieutenant vers 53-50 et proscrit en 43 ;
  • Antistius (2), médecin du temps de César ;
  • T. Antistius (22), questeur en Macédoine en 50 et peut-être proquesteur en 49 ;
  • C. Antistius Vetus (47), questeur propréteur en Syrie en 45-43, légat lieutenant en 43 et peut-être victime de la seconde proscription, promagistrat en 35-34 et consul suffect en 30[20] ;
  • Antistius Turpio (43), pompéien en Espagne en 45 ;
  • (C. Antistius) Reginus, proscrit en 43[21] ;
  • Pacuvius Antistius Labeo (35), légat lieutenant en 42[22].

Soit vingt-neuf personnages en tout. Il s’agit donc d’une famille plébéienne bien attestée mais dont le poids politique demeura mince jusqu’à ce consulat suffect à l’extrême fin de la République. La lignée est également représentée sous l’Empire, avec des consuls et avec son plus célèbre membre, fils de Pacuvius Antistius Labeo[23], le juriste M. Antistius Labeo. Nous pouvons supposer un ancêtre commun aux tribuns de la plèbe de 422 et 420, et L. Antistius tribun militaire à pouvoirs consulaires en 379 est sans doute le descendant de l’un des deux. Nous pouvons également imaginer que le tribun de la plèbe de 319, M. Antistius, se rattache à cette branche mais l’écart chronologique paraît ici trop important pour qu’il n’y ait pas un intermédiaire qui nous soit inconnu. Ce qui aboutit au stemma hypothétique suivant :

capture-decran-2016-09-13-a-11-07-15

Il y eut ensuite très certainement un ensemble de personnages proches aux tournants des IIIe et IIe siècles. Ainsi, en dix ans, trois Antistii occupèrent des fonctions similaires et étaient sans doute des frères ou des cousins. D’autres personnages doivent également être rapprochés : le monétaire de 137-134, les deux sénateurs de 129 et le tribun de 88. Là encore, il se dessine clairement une famille dont on ne peut malheureusement guère que supposer les liens de parenté par manque de sources. En revanche, il est intéressant de noter que l’on peut isoler quatre autres branches bien identifiées par leurs cognomina : celle des Antistii Graguli, celle des Antistii Labeones, celle des Antistii Regini et celle des Antistii Veti. Ainsi, après avoir connu une certaine unité, la famille se sépara en branches bien différenciées[24] sans doute durant le IIe siècle. Concernant les Antistii Veti, on pourra ce reporter au stemma de la RE[25].

Notes

[1] Sur l’origine étrusque du nom, voir W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Zürich et Hildesheim : Weidmannsche Buchhandlung, 1904, p. 124, n. 2 et R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy : Books 1-5, Oxford : Clarendon Press, 1984, p. 596. L’origine gabienne des Antistii est mentionnée dès l’Antiquité, en particulier par D.H., 4, 57 qui date cette arrivée de l’époque des Tarquins. Cette origine est confirmée par une monnaie d’un Antistius Reginus et par deux d’un Antistius Vetus : voir RIC, I2, p. 73 n° 411 (= E. Babylon, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine vulgairement appelées monnaies consulaires, Paris : Rollin et Feuardent, 1885-1886, I, p. 149, n° 17) et RIC, I2, p. 68-69, n° 363 et 364 (= E. Babylon, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine vulgairement appelées monnaies consulaires, Paris : Rollin et Feuardent, 1885-1886, I, p. 151-152, n° 20 et 21). Voir également sur ce point E. Babylon, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine vulgairement appelées monnaies consulaires, Paris : Rollin et Feuardent, 1885-1886, I, p. 143 ; E. Pais, Ricerche sulla storia e sul diritto pubblico di Roma, Rome : P. Maglione & C. Strini, 3, 1918, p. 22-24 ; L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, The Thirty Five Urban and Rural Tribes, Rome : American Academy in Rome, 1960, p. 44 et p. 192 ; M. P. Bruun, « The foedus Gabinum », Arctos, V, 1967, p. 55 ; P.-Ch. Ranouil, Recherches sur le patriciat (509-366 av. J.-C.), Paris : Les Belles Lettres, 1975, p. 198 ; M. Humbert, Municipium et civitas sine suffragio. L’organisation de la conquête jusqu’à la guerre sociale, Rome : EFR, 1978 , p. 89-91 et p. 328 et Epigrafia e ordine senatorio. Atti del Colloquio Internazionale AIEGL (Roma, 14-20 maggio 1981), Rome : Edizioni di storia e letteratura, 2, 1982, p. 28-29 et p. 52.

[2] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 778-779.

[3] CIL, I2, 1482 (= XIV, 3541 = ILS, 3412 = ILLRP, 134 = InscrIt, IV, 1, 9). Seules deux inscriptions mentionnent des censeurs à Tibur. La ville reçut la citoyenneté avec la lex Iulia de 90 et se vit dotée alors de magistratures calquées sur le modèle romain. L’inscription date donc probablement du Ier siècle et ne peut guère servir à déterminer l’origo de la famille. Voir M. Cébeillac-Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome : EFR, 1998, p. 182 et p. 189 n. 30.

[4] CIL, I2, 78 (= XIV, 3059 = Cippi prenestini, p. 65-66, 10). On les retrouve aussi comme monétaires de la fin de la République, cf. CIL, I2, app. 124 et 159.

[5] Cippi prenestini, p. 66 n. 19. L’inscription en question est CIL, XIV, 2849 (=SupplIt Imagines, CIL XIV, Latium uetus praeter Ostiam, 626).

[6] J. Reichmuth, Die lateinischen Gentilicia und ihre Beziehungen zu den römischen Individualnamen, Schwyz : Buchdruckerei Erwin Eberhard, 1956, p. 108, n. 5.

[7] A. Carnoy, « Étymologie des noms romains d’origine étrusque », Ant. Class., 25, 1956, p. 389.

[8] G. Niccolini, FTP, p. 40.

[9] Ibid., p. 41-42.

[10] CIL, I2, I, p. 122-123.

[11] G. Niccolini, FTP, p. 71.

[12] Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 778-779.

[13] G. Niccolini, FTP, p. 211-215 qui le date de 95.

[14] J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 722.

[15] À partir des corrections de T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 17, voir G. Niccolini, FTP, p. 229-232 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 741-742.

[16] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 330-331 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 684-685.

[17] Cic., 2 Verr., 3, 167-168 et RE, I 2, 2546, n° 9 (auteur : E. Klebs). Voir également Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 775-776 et E. Badian, Publicans and Sinners. Private Enterprise in the service of the Roman Republic, Ithaca et New York : CoUP, 1972, p. 72-73.

[18] G. Niccolini, FTP, p. 285-298 et J.-M. David, Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome : EFR, 1992, p. 818.

[19] G. Niccolini, FTP, p. 303-308 et T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 17 qui propose d’identifier L. Antistius (13), tribun de la plèbe en 58 et cet Antistius Vetus.

[20] Fr. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome : EFR, 1985, p. 422-423.

[21] Ibid., p. 421-422.

[22] T. R. S. Broughton, MRR, 3, p. 18, avec les indications pour les autres Antistii de la même époque, et Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 777.

[23] Sur ce personnage, voir Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque Républicaine (312-43 avant J.-C.), 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris : De Boccard, 1974, p. 777.

[24] Le processus se poursuivit par la suite puisqu’on connaît sous l’Empire des Antistii Aduentus, des Antistii Burrus ou encore des Antistii Sosianus. Voir RE, I 2, 2545-2560.

[25] RE, I 2, 2559-2560.